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SUR DEUX ÉPÎTRES D’HELVÉTIUS.

Alluma les soleils, fila l’air et les cieux,
Prit sa place au milieu de ces orbes de feux, etc.[1]
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Les mages, dit Burnet, sont des visionnaires
Dont le faible Persan adopte les chimères[2]
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Ainsi sous de grands mots la superbe sagesse,
À ses propres regards dérobant sa faiblesse,
Étayant son orgueil de dogmes imposteurs,
Disputa si longtemps pour le choix des erreurs[3].
Ainsi l’orgueil s’égare en de vagues pensées :
Ainsi notre univers, par ses mains insensées
Tant de fois tour à tour détruit, rédifié,
N’est encore qu’un temple à l’erreur dédié[4].
Heureux si l’homme encor, moins souple à l’imposture,
Maître de s’égarer au champ de la nature.
Par delà ses confins n’eût puisé[5] ses erreurs !
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Un autre peint de Dieu les attributs, l’essence,
Remet tout au destin, dit son pouvoir, son nom,
Croit donner une idée, et ne forme qu’un son[6].
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Sans les rapports, enfin[7], la raison qui s’égare


  1. Les Indiens ont inventé la comparaison de l’araignée ; mais, outre qu’une araignée immense fait en vers un fort vilain tableau, comment est-ce qu’une araignée qui dévide peut allumer un soleil ? Quand on s’asservit à une métaphore, il faut la suivre. Jamais araignée n’alluma rien : elle file et tapisse ; elle ne dévide pas même. (Note de Voltaire.)
  2. On croit que des mages vous allez passer aux Égyptiens, aux Grecs, etc.; vous sautez à Burnet : le saut est périlleux.

    Le reste du système ridicule de Burnet me paraît bien exprimé. (Id.)

  3. Très-beau, et l’imitation de Corneille en cet endroit est un coup de maître. (Id.)
  4. Me paraît excellent. (Id.)
  5. Ce puisé ne me paraît pas propre ; j’aimerais mieux cherché. Ce qui précède est beau. (Id.)
  6. Ce dernier vers est très-beau ; mais prenez garde qu’il appartient à tous les rêveurs dont il est question. Il faut, pour qu’une idée soit parfaitement belle, qu’elle soit tellement à sa place qu’elle ne puisse pas être ailleurs. (Id.)
  7. Il semble par ces rapports enfin que vous ayez parlé une heure des rapports ; mais vous n’en avez pas dit un seul mot. Je vois bien qu’en faisant votre épître vous pensiez que tous ces philosophes prétendus n’avaient point examiné les rapports et la chaîne des choses de ce monde, qu’ils n’avaient point raisonné par analyse, que ce défaut était la source de leurs erreurs. Mais comment le lecteur devinera-t-il que ce soit là votre pensée ? (Id.)