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PRÉFACE DE L’ANTI-MACHIAVEL.

P. S. Dans le temps qu’on finissait cette édition, il en parut deux autres : l’une est intitulée de Londres, chez Jean Meyer ; l’autre, à la Haye, chez Vanduren. Elles sont très-différentes du manuscrit original : ce qu’il est aisé de connaître aux indications suivantes : 1° Dans ces éditions le titre est Anti-Machiavel, ou Examen du Prince, etc. ; et celui-ci est intitulé Anti-Machiavel, ou Essai critique sur le Prince de Machiavel. 2° Le premier chapitre, dans ces éditions, a pour titre Combien il y a de sortes de principautés, etc. ; et ici le titre est Des Différents Gouvernements. Le second chapitre de ces éditions est Des Principautés héréditaires ; et, ici, Des États héréditaires. Il y a d’ailleurs des omissions considérables, des interpolations, des fautes en très-grand nombre dans ces éditions que j’indique. Ainsi lorsque les libraires qui les ont faites voudront réimprimer ce livre, je les prie de suivre en tout la présente copie.

[1]C’est une belle réfutation de Machiavel que le livre du roi de Prusse : mais on en pourra voir quelque jour une réfutation encore plus belle, ce sera l’histoire de la vie de ce prince. Être son historiographe sera un emploi aussi agréable que glorieux.

J’aime un livre dont la lecture me laisse une idée grande et aimable du caractère, des sentiments, des mœurs, de celui qui l’a composé. J’aime un ouvrage sérieux qui ne soit point écrit trop sérieusement. Le sérieux de celui-ci n’a rien de triste, rien d’austère, rien de guindé. C’est le sérieux d’un philosophe qui a la maturité d’un homme de cinquante ans avec la fleur de la jeunesse, et qui joint à un esprit orné, à un jugement solide, à un discernement peu commun, une imagination féconde et agréable, une sérénité riante, si j’ose ainsi dire, et quelquefois

  1. Je ne connais pas, des quatre alinéas qui suivent, d’impression antérieure à celle qui fait partie des éditions de Kehl. Ce morceau doit cependant être de la même date à peu près que tout ce qui précède, et vers le temps où Voltaire écrivait à M. de Camas (le 18 octobre 1740) : « J’ai tout lieu d’espérer que la conduite du roi justifiera en tout l’Anti-Machiavel du prince ; » et à Helvétius (le 31 octobre) : « S’il arrive jamais que ce roi trahisse de si grands engagements…, je pleurerai, et je ne l’aimerai plus. » Quelques semaines plus tard. Voltaire ne pouvait plus écrire de si belles phrases. On sait que, le 15 décembre de la même année, le monarque prussien alla s’emparer de la Silésie. C’est aussi avant le 15 décembre 1740 que doivent avoir été écrits ces quatre alinéas. (B.)