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SOMMAIRES DES PIÈCES DE MOLIÈRE.

Il ne put faire que le premier acte, la première scène du second, et la première du troisième ; le temps pressait : Pierre Corneille se chargea du reste de la pièce ; il voulut bien s’assujettir au plan d’un autre, et ce génie mâle, que l’âge rendait sec et sévère, s’amollit pour plaire à Louis XIV. L’auteur de Cinna fit à l’âge de soixante-sept ans cette déclaration de Psyché à l’Amour[1], qui passe encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au théâtre.

Toutes les paroles qui se chantent sont de Quinault. Lulli composa les airs. Il ne manquait à cette société de grands hommes que le seul Racine, afin que tout ce qu’il y eut jamais de plus excellent au théâtre se fût réuni pour servir un roi qui méritait d’être servi par de tels hommes.

Psyché n’est pas une excellente pièce, et les derniers actes en sont très-languissants ; mais la beauté du sujet, les ornements dont elle fut embellie, et la dépense royale qu’on fit pour ce spectacle, firent pardonner ses défauts.


LES FEMMES SAVANTES,


Comédie en vers et en cinq actes, représentée sur le théâtre du Palais-Royal
le 11 mars 1672.


Cette comédie, qui est mise par les connaisseurs dans le rang du Tartuffe et du Misanthrope, attaquait un ridicule qui ne semblait propre à réjouir ni le peuple ni la cour, à qui ce ridicule paraissait être également étranger. Elle fut reçue d’abord assez froidement ; mais les connaisseurs rendirent bientôt à Molière les suffrages de la ville, et un mot du roi lui donna ceux de la cour. L’intrigue, qui en effet a quelque chose de plus plaisant que celle du Misanthrope, soutint la pièce longtemps.

Plus on la vit, plus on admira comment Molière avait pu jeter tant de comique sur un sujet qui paraissait fournir plus de pédanterie que d’agrément. Tous ceux qui sont au fait de l’histoire littéraire de ce temps-là savent que Ménage y est joué sous le nom de Vadius, et que Trissotin est le fameux abbé Cotin, si connu par les satires de Despréaux. Ces deux hommes étaient, pour leur malheur, ennemis de Molière ; ils avaient voulu persuader au duc de Montausier que le Misanthrope était fait contre lui ; quelque temps après ils avaient eu chez Mademoiselle, fille de Gaston de France, la scène que Molière a si bien rendue dans les Femmes

  1. Et de l’Amour à Psyché, acte III, scène iii.