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SOMMAIRES DES PIÈCES DE MOLIÈRE.

fils du Grand Turc ; mais il cherchait, par ce divertissement, plutôt à réjouir qu’à faire un ouvrage régulier.

Lulli fit aussi la musique du ballet, et il y joua comme dans Pourceaugnac[1].


LES FOURBERIES DE SCAPIN,


Comédie en prose et en trois actes, représentée sur le théâtre du Palais-Royal
le 24 mai 1671.


Les Fourberies de Scapin sont une de ces farces que Molière avait préparées en province. Il n’avait pas fait scrupule d’y insérer deux scènes entières du Pédant joué, mauvaise pièce de Cyrano de Bergerac[2]. On prétend que quand on lui reprochait ce plagiat, il répondait : « Ces deux scènes sont assez bonnes ; cela m’appartenait de droit ; il est permis de reprendre son bien partout où on le trouve. »

Si Molière avait donné la farce des Fourberies de Scapin pour une vraie comédie, Despréaux aurait eu raison de dire dans son Art poétique :

C’est par là que Molière, illustrant ses écrits,
Peut-être de son art eût remporté le prix
Si, moins ami du peuple, en ses doctes peintures,
Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures,
Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin,
Et sans honte à Térence allié Tabarin.
Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe[3],
Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope.

On pourrait répondre à ce grand critique que Molière n’a point allié Térence avec Tabarin dans ses vraies comédies, où il surpasse Térence ; que s’il a déféré au goût du peuple, c’est dans ses farces, dont le seul titre annonce du bas comique, et que ce bas comique était nécessaire pour soutenir sa troupe.

Molière ne pensait pas que les Fourberies de Scapin et le Mariage forcé valussent l’Avare, le Tartuffe, le Misanthrope, les Femmes savantes, ou fussent même du même genre. De plus, comment Despréaux

  1. Il remplit dans le divertissement le rôle du Muphti.
  2. Molière n’a pris que le fond de ces deux scènes, et non le dialogue mot à mot, comme on pourrait le croire, en prenant à la lettre les expressions de Voltaire. Les deux scènes imitées par Molière sont la onzième du deuxième acte, et la troisième du troisième acte. (B.)
  3. Voyez tome XVIII, page 25, note 2.