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SOMMAIRES DES PIÈCES DE MOLIÈRE.

y joua du violon[1]. Tous les grands talents étaient employés aux divertissements du roi, et tout ce qui avait rapport aux beaux-arts était honorable.

On n’écrivit point contre Pourceaugnac : on ne cherche à rabaisser les grands hommes que quand ils veulent s’élever. Loin d’examiner sévèrement cette farce, les gens de bon goût reprochèrent à l’auteur d’avilir trop souvent son génie à des ouvrages frivoles qui ne méritaient pas d’examen ; mais Molière leur répondait qu’il était comédien aussi bien qu’auteur, qu’il fallait réjouir la cour et attirer le peuple, et qu’il était réduit à consulter l’intérêt de ses acteurs aussi bien que sa propre gloire.


LES AMANTS MAGNIFIQUES,


Comédie-ballet en prose et en cinq actes, représentée devant le roi, à Saint-Germain,
au mois de janvier 1670
[2].


Louis XIV lui-même donna le sujet de cette pièce à Molière. Il voulut qu’on représentât deux princes qui se disputeraient une maîtresse, en lui donnant des fêtes magnifiques et galantes. Molière servit le roi avec précipitation. Il mit dans cet ouvrage deux personnages qu’il n’avait point encore fait paraître sur son théâtre, un astrologue et un fou de cour. Le monde n’était point alors désabusé de l’astrologie judiciaire ; on y croyait d’autant plus qu’on connaissait moins la véritable astronomie. Il est rapporté dans Vittorio Siri qu’on n’avait pas manqué, à la naissance de Louis XIV, de faire tenir un astrologue dans un cabinet voisin de celui où la reine accouchait. C’est dans les cours que cette superstition règne davantage, parce que c’est là qu’on a plus d’inquiétude sur l’avenir.

Les fous y étaient aussi à la mode : chaque prince et chaque grand seigneur même avait son fou, et les hommes n’ont quitté ce reste de barbarie qu’à mesure qu’ils ont plus connu les plaisirs de la société et ceux que donnent les beaux-arts. Le fou qui est représenté dans Molière n’est point un fou ridicule, tel que le Moron de la Princesse d’Élide, mais un homme adroit, et qui, ayant la liberté de tout dire, s’en sert avec habileté et avec finesse. La musique est de Lulli. Cette pièce ne fut jouée qu’à la cour, et

  1. Il faisait l’un des médecins grotesques sous le nom d’il signor Chiacchierone : voyez Œuvres complètes de Molière, édition Louis Moland, tome V, page 474.
  2. Le 4 février 1670.