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SUR L’INCENDIE D’ALTENA.

Mais lorsqu’il apprend que cette opinion populaire est fausse et calomnieuse, alors son devoir est de le déclarer, et de remercier publiquement ceux qui l’ont instruit.

C’est le cas où je me trouve. M. Richey m’a démontré l’innocence de ses compatriotes. La Bibliothèque raisonnée a aussi très-solidement repoussé l’accusation intentée contre la ville de Hambourg. L’auteur de la lettre contre moi est seulement répréhensible, en ce qu’il m’attribue d’avoir dit positivement que la ville de Hambourg était coupable ; il devait distinguer entre l’opinion d’une partie du Nord, que j’ai rapportée comme un bruit vague, et l’affirmation qu’il m’impute. Si j’avais dit en effet : « La ville de Hambourg a acheté la ruine de la ville d’Altena, » je lui en demanderais pardon très-humblement, persuadé qu’il n’y a de honte qu’à ne se point rétracter quand on a tort. Mais j’ai dit la vérité en rapportant un bruit qui a couru, et je dis la vérité en disant qu’ayant examiné ce bruit je l’ai trouvé plein de fausseté.

Je dois encore déclarer qu’il régnait des maladies contagieuses à Altena, dans le temps de l’incendie ; et que si les Hambourgeois n’avaient point de lazarets (comme on me l’a assuré), point d’endroit où l’on pût mettre à couvert et séparément les vieillards et les femmes, qui périrent à leur vue, ils sont très-excusables de ne les avoir pas recueillis : car la conservation de sa propre ville doit être préférée au salut des étrangers.

J’aurai très-grand soin que l’on corrige cet endroit de l’Histoire de Charles XII, dans la nouvelle édition commencée à Amsterdam, et qu’on le réduise à l’exacte vérité dont je fais profession, et que je préfère à tout.


J’apprends aussi que l’on a inséré dans des papiers hebdomadaires des lettres aussi outrageantes que mal écrites du poëte Rousseau au sujet de la tragédie de Zaïre[1]. Cet auteur de plusieurs pièces de théâtre, toutes sifflées, fait le procès à une pièce qui a été reçue du public avec assez d’indulgence ; et cet auteur

  1. Cette lettre commence ainsi : « La pièce que vous m’avez envoyée est enfin arrivée. Je l’ai lue ce matin. Ceux qui m’avaient mandé, il y a quatre mois, que la fin morale de cet ouvrage était de prouver que les Sarrasins étaient plus honnêtes que les chrétiens m’en avaient donné une fausse idée ; il ne paraît point que l’auteur ait eu ce dessein en vue. Le sentiment qui y règne tend surtout à faire voir que tous les efforts de la grâce n’ont aucun pouvoir sur les passions. Ce dogme impie, et aussi injurieux au bon sens qu’à la religion, fait l’unique fondement de sa fable, etc. »