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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.

contraire plus fortes immédiatement après l’équinoxe de l’automne qu’avant. Car, si l’action du soleil aux équinoxes ajoute à l’action de la lune, le soleil doit d’autant plus ajouter d’action que nous serons plus près de lui ; or nous sommes plus près du soleil avant le 21 mars à l’équinoxe qu’après, et nous sommes au contraire plus près du soleil après le 21 septembre qu’avant ce temps : donc les plus hautes marées, année commune, doivent arriver avant l’équinoxe du printemps, et après celui d’automne, comme l’expérience le confirme.

Ayant prouvé que le soleil conspire avec la lune aux élévations de la mer, il faut savoir quelle quantité de concours il y apporte. Newton et d’autres ont calculé que l’élévation moyenne dans le milieu de l’Océan est de douze pieds ; le soleil en élève deux et un quart, et la lune huit et trois quarts.

Beaucoup de gens d’esprit, à qui les découvertes de Newton ne sont pas familières, font une objection spécieuse contre cette action qui élève les eaux.

Si le soleil et la lune, disent-ils, font élever les eaux en G sur la terre par l’attraction (figure 68), les eaux en D, sous le même méridien, doivent donc s’abaisser.

Vous avez, dira-t-on, la même difficulté à résoudre que les cartésiens ; et, s’ils ne peuvent expliquer comment la prétendue pression de la lune enfonce à la fois les eaux aux deux points opposés, vous ne pourrez expliquer davantage comment votre gravitation élève à la fois les eaux en G et en D, et le phénomène des marées restera toujours un problème. Une telle objection ne peut partir que d’un esprit droit ; il y a du mérite à se tromper ainsi, et à objecter par sa raison ce que la raison éclairée résout ensuite : voici la solution de cette difficulté. Ce qui fait que, dans l’hypothèse de Descartes, il est impossible que les eaux s’enfoncent à la fois aux points opposés du même méridien, c’est que la pesanteur est supposée par lui n’être que le résultat d’un tourbillon, et que, dans ce cas, la lune supposée presser ce prétendu tourbillon (s’il était possible qu’elle pressât) ne pourrait pas presser à la fois deux endroits opposés.

Mais ici il n’y a aucune hypothèse, on ne considère que les lois de la pesanteur, de la gravitation ; toutes les eaux gravitent vers le centre de la terre, tout fluide doit être en équilibre : voilà les eaux élevées en C (figure 69), voilà donc l’équilibre rompu ; les eaux en V ont donc alors plus de gravitation vers le centre de la terre : donc elles pressent plus qu’elles ne pressaient ; donc les eaux en F doivent s’approcher davantage, s’aplatir, s’enfoncer vers la terre.