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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE X.

l’équinoxe du printemps n’était plus au quinzième degré du bélier, et le soleil était avancé de sept degrés vers l’orient depuis l’expédition des Argonautes[1]. C’est sur ces observations, faites cinq cents ans après par Méton et Euctémon, un an avant la guerre du Péloponèse, que Newton a fondé en partie son système de la réformation de toute la chronologie ; et c’est sur quoi je ne puis m’empêcher de soumettre ici mes scrupules aux lumières des gens éclairés.

Il me paraît que, si Méton et Euctémon eussent trouvé une différence aussi palpable que celle de sept degrés entre le lieu du soleil au temps de Chiron et celui du temps où ils vivaient, ils n’auraient pu s’empêcher de découvrir cette précession des équinoxes, et la période qui en résulte. Il n’y avait qu’à faire une simple règle de trois, et dire : Si le soleil avance environ de 7 degrés, en 500 et quelques années, en combien d’années achèvera-t-il le cercle entier ? La période était toute trouvée.

Cependant on n’en connut rien jusqu’au temps d’Hipparque. Ce silence me fait croire que Chiron n’en avait point tant su que l’on dit, et que ce n’est qu’après coup que l’on crut qu’il avait fixé l’équinoxe du printemps au quinzième degré du bélier. On s’imagina qu’il l’avait fait parce qu’il l’avait dû faire. Ptolémée n’en dit rien dans son Almageste, et cette considération pourrait, à mon avis, ébranler un peu la chronologie de Newton.

Ce ne fut point par les observations de Chiron, mais par celles d’Aristille et de Méton, comparées avec les siennes propres, qu’Hipparque commença à soupçonner une vicissitude nouvelle dans le cours du soleil. Ptolémée, plus de deux cent cinquante ans après Hipparque, s’assura du fait, mais confusément. On croyait que cette révolution était d’un degré en cent années ; et c’est d’après ce faux calcul que l’on composait la grande année du monde de trente-six mille années.

Mais ce mouvement n’est réellement que d’un degré ou environ en soixante et douze ans, et la période n’est que de vingt-cinq mille neuf cent vingt années, selon les supputations les plus reçues. Les Grecs, qui n’avaient point de notion de l’ancien système connu autrefois dans l’Asie, et renouvelé par Copernic, étaient bien loin de soupçonner que cette période appartenait à la terre. Ils imaginaient je ne sais quel premier mobile, qui entraînait toutes les étoiles, les planètes et le soleil, en vingt-quatre heures autour de la terre ; ensuite un ciel de cristal, qui tournait lente-

  1. On trouve en effet pour 500 ans : 6° 57′ 30″. (D.)