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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IX.

Les académiciens revenus du pôle avaient pour eux dans cette dispute la théorie et la pratique. L’une et l’autre furent confirmées par un aveu que fit, en 1740, à l’Académie, le petit-fils de l’illustre Cassini, héritier du mérite de son père et de son grand-père. Il venait d’achever la mesure d’un parallèle à l’équateur ; il avoua qu’enfin cette mesure, prise avec tout le soin qu’exigeait la dispute, donnait la terre aplatie. Cet aveu courageux doit terminer la querelle honorablement pour tous les partis.

Au reste, la différence de la sphère au sphéroïde ne donne point une circonférence plus grande ou plus petite : car un cercle changé en ovale n’augmente ni ne diminue de superficie. Quant à la différence d’un axe à l’autre, elle n’est pas de sept lieues : différence immense pour ceux qui prennent parti, mais insensible pour ceux qui ne considèrent les mesures du globe terrestre que par les usages utiles qui en résultent ; il n’y a aucun géographe qui pût, dans une carte, faire apercevoir cette différence, ni aucun pilote qui pût jamais savoir s’il fait route sur un sphéroïde ou sur une sphère. Mais entre les mesures qui faisaient le sphéroïde oblong, et celles qui le faisaient aplati[1] la différence était d’environ cent lieues[2], et alors elle intéressait la navigation[3].

  1. Il est bon de remarquer que si l’observation et la théorie s’accordent à montrer que la terre est aplatie vers les pôles, l’on ne peut rien prononcer encore avec exactitude sur la quantité de son aplatissement ; qu’il est impossible d’accorder même et les mesures des degrés entre elles, et les résultats des expériences sur les pendules, sans supposer à la terre une forme irrégulière. Ceux qui désireraient d’être éclairés sur cette grande question doivent lire les différents mémoires que M. d’Alembert a donnés sur cet objet. On y verra que la question est beaucoup plus compliquée que la plupart des géomètres ne l’avaient pensé ; et on y trouvera en même temps et les principes nécessaires pour la résoudre, et des remarques utiles pour éviter de se laisser entraîner à des conclusions incertaines et trop précipitées. (K.)
  2. Voici les nombres admis aujourd’hui, et résultant de la discussion des mesures par Bessel :

    Rayon équatorial = R = 6,377,398 mètres.
    polaire. . . = r = 6,356,680
    Différence. . . . . . = R — r = 21,318
    Aplatissement de R. (D.)

  3. L’édition de 1741 avait ici deux chapitres que je vais transcrire, et qui ont été supprimés en 1748. De ces deux chapitres, le second existait dans les éditions de 1738, avec quelques différences que je ne donne point, pour ne pas surcharger cette édition de variantes. Quelques idées se retrouvent dans la Dissertation sur les changements arrivés dans notre globe, dernière pièce du présent volume.
    CHAPITRE X.
    De la figure de la terre, considérée par rapport aux changements qui ont pu y