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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.

or cette ligne B D et cette ligue B A, conçues infiniment petites, sont les naissances d'une courbe, etc. ; donc ce corps se doit mouvoir dans une courbe.

Il doit border des espaces égaux en temps égaux, car l'espace du triangle S B A est égal à l'espace du triangle S B D ; ces triangles sont égaux : donc ces aires sont égales ; donc tout corps qui parcourt des aires égales en temps égaux dans une courbe fait sa révolution autour du centre des forces auquel il tend ; donc les planètes tendent vers le soleil, et non autour de la terre : car en prenant la terre pour centre, leurs aires sont inégales par rapport aux temps ; et en prenant le soleil pour centre, ces aires se trouvent toujours proportionnelles aux temps, si vous en exceptez les petits dérangements causés par la gravitation même des planètes.

Pour bien entendre encore ce que c'est que ces aires proportionnelles aux temps, et pour voir d'un coup d'œil l'avantage que vous tirez de cette connaissance, regardez la terre emportée dans son ellipse autour du soleil S, son centre (figure 55). Quand elle va de B en D, elle balaye un aussi grand espace que quand elle parcourt ce grand arc H K : le secteur H K regagne en largeur ce que le secteur B S D a en longueur. Pour faire l'aire de ces secteurs égale en temps égaux, il faut que le corps vers H K aille plus vite que vers B D. Ainsi la terre et toute planète se meut plus vite dans son périhélie, qui est la courbe la plus voisine du soleil S, que dans son aphélie, qui est la courbe la plus éloignée de ce même foyer S.

On connaît donc quel est le centre d'une planète, et quelle figure elle décrit dans son orbite, par les aires qu'elle parcourt » ; on connaît que toute planète, lorsqu'elle est plus éloignée du centre de son mouvement, gravite moins vers ce centre. Ainsi la terre étant plus près du soleil d'un trentième et plus, c'est-à-dire de douze cent mille lieues, pendant notre hiver que pendant notre été, est plus attirée aussi en hiver ; ainsi elle va plus vite alors par la raison de sa courbe ; ainsi nous avons huit jours et demi d'été plus que d'hiver, et le soleil paraît dans les signes septentrionaux huit jours et demi de plus que dans les méridionaux. Puis donc que toute planète suit, par rapport au soleil foyer de son orbite, cette loi de gravitation que la lune éprouve par rapport à la terre, et à laquelle tous les corps sont soumis en tombant sur la terre, il est démontré que cette gravitation, cette attraction, agit sur tous les corps que nous connaissons.

Mais une autre puissante démonstration de cette vérité est la