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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.

vement de projectile en ligne droite cessât. À la vérité, de moment en moment ce corps irait en A, en B, en C, s’il s’échappait (figure 49).

Mais aussi de moment en moment il retomberait de A, de B, de C, au centre ; parce que son mouvement est composé de deux sortes de mouvements : du mouvement de projectile en ligne droite, et du mouvement imprimé aussi en ligne droite par la force centripète, force par laquelle il irait au centre. Ainsi, de cela même que le corps décrirait ces tangentes A B C, il est démontré qu’il y a un pouvoir qui le retire de ces tangentes à l’instant même qu’il les commence. Il faut donc absolument considérer tout corps se mouvant dans une courbe comme mû par deux puissances, dont l’une est celle qui lui ferait parcourir des tangentes, et qu’on nomme la force centrifuge, ou plutôt la force d’inertie, d’inactivité, par laquelle un corps suit toujours une droite s’il n’en est empêché ; et l’autre force qui retire le corps vers le centre, laquelle on nomme la force centripète, et qui est la véritable force[1].

De l’établissement de cette force centripète, il résulte d’abord cette démonstration que tout mobile qui se meut dans un cercle, ou dans une ellipse, ou dans une courbe quelconque, se meut autour d’un centre auquel il tend.

Il suit encore que ce mobile, quelques portions de courbe qu’il parcoure, décrira, dans ses plus grands arcs et dans ses plus petits arcs, des aires égales en temps égaux. Si, par exemple, un mobile en une minute borde l’espace A C B (figure 51), qui contiendra cent milles d’aire, il doit border en deux minutes un autre espace B C D de deux cents milles.

Cette loi inviolablement observée par toutes les planètes, et inconnue à toute l’antiquité, fut découverte, il y a près de cent cinquante ans, par Kepler, qui a mérité le nom de législateur en astronomie, malgré ses erreurs philosophiques. Il ne pouvait savoir encore la raison de cette règle à laquelle les corps célestes sont assujettis. L’extrême sagacité de Kepler trouva l’effet dont le génie de Newton a trouvé la cause.

Je vais donner la substance de la démonstration de Newton : elle sera aisément comprise par tout lecteur attentif, car les

  1. Les éditions de 1738 contenaient de plus ici le passage que voici :

    « C’est ainsi qu’un corps mû selon la ligne horizontale G E (figure 50), et selon la ligne perpendiculaire G F, obéit à chaque instant à ces deux puissances en parcourant la diagonale G H. »

    Cet alinéa fut supprimé par Voltaire dès 1741. (B.)