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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE II.

corps qui se meut uniformément dans un fluide de même densité perd la moitié de son mouvement après avoir parcouru trois de ses diamètres. Cela est sans aucune réplique.

8° Supposé encore, ce qui est impossible, que ces planètes pussent être mues dans ces tourbillons imaginaires, elles ne pourraient se mouvoir que circulairement, puisque ces tourbillons, à égales distances du centre, seraient également denses ; mais les planètes se meuvent dans des ellipses : donc elles ne peuvent être portées par des tourbillons ; donc, etc.

9° La terre a son orbite qu’elle parcourt entre celui de Vénus et celui de Mars ; tous ces orbites sont elliptiques, et ont le soleil pour centre ; or, quand Mars, et Vénus, et la terre, sont plus près l’un de l’autre, alors la matière du torrent prétendu, qui emporte la terre, serait beaucoup plus resserrée : cette matière subtile devrait précipiter son cours, comme un fleuve rétréci dans ses bords, ou coulant sous les arches d’un pont ; alors ce fluide devrait emporter la terre d’une rapidité bien plus grande qu’en toute autre position ; mais, au contraire, c’est dans ce temps-là même que le mouvement de la terre est plus ralenti.

Quand Mars paraît dans le signe des poissons, Mars, la terre, et Vénus, sont à peu près dans cette proximité que vous voyez (figure 46) : alors le soleil paraît retarder de quelques minutes, c’est-à-dire que c’est la terre qui retarde. Il est donc démontré impossible qu’il y ait là un torrent de matière qui emporte les planètes : donc ce tourbillon n’existe pas.

10° Parmi des démonstrations plus recherchées, qui anéantissent les tourbillons, nous choisirons celle-ci. Par une des grandes lois de Kepler, toute planète décrit des aires égales en temps égaux ; par une autre loi non moins sûre, chaque planète fait sa révolution autour du soleil en telle sorte que si, par exemple, sa moyenne distance au soleil est 10, prenez le cube de ce nombre, ce qui fera 1,000, et le temps de la révolution de cette planète autour du soleil sera proportionné à la racine carrée de ce nombre 1,000. Or, s’il y avait des couches de matière qui portassent des planètes, ces couches ne pourraient suivre ces lois : car il faudrait que les vitesses de ces torrents fussent à la fois réciproquement proportionnelles à leurs distances au soleil, et aux racines carrées de ces distances, ce qui est incompatible.

11° Pour comble enfin, tout le monde voit ce qui arriverait à deux fluides circulant l’un vis-à-vis de l’autre. Ils se confondraient nécessairement, et formeraient le chaos au lieu de le débrouiller. Cela seul aurait jeté sur le système cartésien un ridicule qui l’eût