Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
495
DE L’ARC-EN-CIEL.

mais il y a, comme vous voyez, deux réflexions au lieu d’une dans ce grand arc. Il se perd donc le double de la lumière dans ce grand arc, où la lumière se réfléchit deux fois ; et il s’en perd la moitié moins dans le petit arc intérieur, où les gouttes n’éprouvent qu’une réflexion. Il est donc démontré que l’arc-en-ciel extérieur doit toujours être de moitié plus faible en couleur que le petit arc intérieur. Il est aussi démontré par ce double chemin que font les rayons qu’ils doivent parvenir à vos yeux dans un sens opposé à celui du premier arc : car votre œil est placé en O.

Dans cette place (figure 38), il reçoit les rayons les moins réfrangibles de la première bande extérieure du petit arc, et il doit recevoir les plus réfrangibles de la première bande extérieure de ce second arc : ces plus réfrangibles sont les violets. Voici donc les deux arcs-en-ciel ici dans leur ordre, en ne mettant que trois couleurs pour éviter la confusion.

Il ne reste plus qu’à voir pourquoi ces couleurs sont toujours aperçues sous une figure circulaire. Considérez cette ligne Z, qui passe par votre œil. Soient conçues se mouvoir ces deux boules toujours à égale distance de votre œil : elles décriront des bases de cônes (figure 39), dont la pointe sera toujours dans votre œil.

Concevez que le rayon de cette goutte d’eau R, venant à votre œil O, tourne autour de cette ligne O Z comme autour d’un axe, faisant toujours, par exemple, un angle avec votre œil de 42 degrés 2 minutes : il est clair que cette goutte décrira un cercle qui vous paraîtra rouge. Que cette autre goutte V soit conçue tourner de même, faisant toujours un autre angle de 40 degrés 17 minutes : elle formera un cercle violet ; toutes les gouttes qui seront dans ce plan formeront donc un cercle violet, et les gouttes qui sont dans le plan de la goutte R feront un cercle rouge. Vous verrez donc cette iris comme un cercle ; mais vous ne voyez pas tout un cercle, parce que la terre le coupe ; vous ne voyez qu’un arc, une portion de cercle.

La plupart de ces vérités ne purent encore être aperçues ni par Antonio de Dominis, ni par Descartes : ils ne pouvaient savoir pourquoi ces différents angles donnaient différentes couleurs ; mais c’était beaucoup d’avoir trouvé l’art. Les finesses de l’art sont rarement dues aux premiers inventeurs. Ne pouvant donc deviner que les couleurs dépendaient de la réfrangibilité des rayons, que chaque rayon contenait en soi une couleur primitive, que la différente attraction de ces rayons faisait leur réfran-