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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE XI.

voie-t-elle des couleurs ? et pourquoi certaines couleurs ? Des masses de lumière, des millions de faisceaux, tombent du soleil sur cette boule : dans chacun de ces faisceaux il y des traits primitifs, des rayons homogènes, plusieurs rouges, plusieurs jaunes, plusieurs verts, etc. ; tous se brisent à leur incidence dans la boule ; chacun d’eux se brise différemment, et selon l’espèce dont il est, et selon l’endroit dans lequel il entre.

Vous savez déjà que les rayons rouges sont les moins réfrangibles ; les rayons rouges d’un certain faisceau déterminé iront donc se réunir dans un certain point déterminé au fond de la boule, tandis que les rayons bleus et pourpres du même faisceau iront ailleurs. Ces rayons rouges sortiront aussi de la boule en un endroit, et les verts, les bleus, les pourpres, en un autre endroit. Ce n’est pas assez : il faut examiner les points où tombent ces rayons rouges en entrant dans cette boule, et en sortant pour venir à votre œil.

Pour donner à ceci tout le degré de clarté nécessaire, concevons cette boule telle qu’elle est en effet, un assemblage d’une infinité de surfaces planes : car, le cercle étant composé d’une infinité de droites infiniment petites, la sphère n’est dans sa circonférence qu’un infinité de surfaces.

Des rayons rouges A B C (figure 34) viennent parallèles du soleil sur ces trois petites surfaces. N’est-il pas vrai que chacun se brise selon son degré d’incidence ? N’est-il pas manifeste que le rayon rouge A tombe plus obliquement sur sa petite surface que le rayon rouge C ne tombe sur la sienne ? Ainsi tous deux viennent au point R par différents chemins.

Le rayon rouge C, tombant sur sa petite surface encore moins obliquement, se rompt bien moins, et arrive aussi au point R en ne se brisant que très-peu.

J’ai donc déjà trois rayons rouges, c’est-à-dire trois faisceaux de rayons rouges qui aboutissent au même point R.

À ce point R chacun fait un angle de réflexion égal à son angle d’incidence, chacun se brise à son émergence de la boule, en s’éloignant de la perpendiculaire de la nouvelle petite surface qu’il rencontre, de même que chacun s’est rompu à son incidence en s’approchant de sa perpendicule : donc tous reviennent parallèles, donc tous entrent dans l’œil, selon l’ouverture de l’angle propre aux rayons rouges.

S’il y a une quantité suffisante de ces traits homogènes rouges pour ébranler le nerf optique, il est incontestable que vous ne devez avoir que la sensation de rouge.