Si vous demandez aux philosophes ce qui produit les couleurs, Descartes vous répondra que « les globules de ses éléments sont déterminés à tournoyer sur eux-mêmes, outre leur tendance au mouvement en ligne droite, et que ce sont les différents tournoiements qui font les différentes couleurs ». Mais ses éléments, ses globules, son tournoiement, ont-ils même besoin de la pierre de touche de l’expérience pour que le faux s’en fasse sentir ? Une foule de démonstrations anéantit ces chimères. Voici les plus simples et les plus sensibles.
Rangez des boules les unes contre les autres : supposez-les poussées en tout sens, et tournant toutes sur elles-mêmes en tout sens ; par le seul énoncé, il est impossible que ces boules contiguës puissent avancer en lignes droites régulièrement. De plus, comment verriez-vous sur une muraille ce point bleu et ce point vert (figure 28) ?
Les voilà marqués sur cette muraille ; il faut qu’ils se croisent en l’air au point A avant que d’arriver aux yeux. Puisqu’ils se croisent, leur prétendu tournoiement doit changer au point d’intersection. Les tournoiements qui faisaient le bleu et le vert ne subsistent donc plus les mêmes : il n’y aurait donc plus alors de point vert ni de point bleu. Un jésuite flamand fit cette objection à Descartes. Celui-ci en sentit toute la force ; mais que croiriez-vous qu’il répondit ? Que ces boules ne tournaient pas à la vérité, mais qu’elles ont une tendance au tournoiement. Voilà ce que Descartes dit dans ses lettres. L’acte du transparent en tant que transparent est-il plus intelligible ?
Vous me direz sans doute que cette difficulté est égale dans tous les systèmes. Vous me direz que ces rayons, qui partent de ce point bleu et de ce point vert, se croisent nécessairement, quelque opinion qu’on embrasse touchant les couleurs ; que cette intersection des rayons devrait toujours empêcher la vision ; qu’en un mot, il est toujours incompréhensible que des rayons qui se croisent arrivent à nos yeux dans leur ordre ; mais ce scrupule