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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE VI.

à en parler que dans ce temps-là ; on s’est servi pendant près de quatre cents ans de ces lunettes sans qu’on sût précisément par quelle mécanique elles aidaient nos yeux, à peu près comme nous nous servons encore de la boussole sans connaître la cause qui dirige l’aiguille aimantée.

Vous venez de voir les effets que la réfraction fait dans nos yeux, soit que les rayons arrivent sans secours intermédiaire, soit qu’ils aient traversé des cristaux : vous concevez que sans cette réfraction opérée dans nos yeux, et sans cette réflexion des rayons de dessus les surfaces des corps vers nous, les organes de la vue nous seraient inutiles. Les moyens que la nature emploie pour faire cette réfraction, les lois qu’elle suit, sont des mystères que nous allons développer. Il faut auparavant achever ce que nous avons à dire touchant la vue ; il faut satisfaire à ces questions si naturelles : Pourquoi nous voyons les objets au delà d’un miroir, et non sur le miroir même ? Pourquoi un miroir concave rend l’objet plus grand ? Pourquoi le miroir convexe rend l’objet plus petit ? Pourquoi les télescopes rapprochent et agrandissent les choses ? Par quel artifice la nature nous fait connaître les grandeurs, les distances, les situations ? Quelle est enfin la véritable raison qui fait que nous voyons les objets tels qu’ils sont, quoique dans nos yeux ils se peignent renversés ? Il n’y a rien là qui ne mérite la curiosité de tout être pensant ; mais nous ne nous étendrions pas sur ces sujets, que tant d’illustres écrivains ont traités, et nous renverrions à eux, si nous n’avions pas à faire connaître quelques vérités assez nouvelles, et curieuses pour un petit nombre de lecteurs.


CHAPITRE VI[1].
Des miroirs, des télescopes ; des raisons que les mathématiques donnent des mystères de la vision ; que ces raisons ne sont point suffisantes. — Miroir plan. Miroir convexe. Miroir concave. Explications géométriques de la vision. Nul rapport immédiat entre les règles d’optique et nos sensations. Exemple en preuve.


Les rayons qu’une puissance, jusqu’à nos jours inconnue, fait rejaillir à vos yeux de dessus la surface d’un miroir sans toucher à cette surface, et des pores de ce miroir sans toucher aux par-

  1. Les chapitres iv et v qui précèdent, n’étant pas dans l’édition de 1756, ni dans ses réimpressions, ce qui forme ici les chapitres vi-xi faisait les chapitres iv-ix. (B.)