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DE LA RÉFLEXION.

réfléchis sur ces lames. Enfin nous verrons que jamais si étonnant paradoxe n’a été prouvé en plus de manières. Commençons donc par nous familiariser avec ces vérités.

1° Cette lumière, qu’on croit réfléchie par la surface solide des corps, rejaillit en effet sans avoir touché à cette surface.

2° La lumière n’est point renvoyée de derrière un miroir par la surface solide du vif-argent ; mais elle est renvoyée du sein des pores du miroir, et des pores du vif-argent même.

3° Il ne faut point, comme on l’a pensé jusqu’à présent, que les pores de ce vif-argent soient très-petits pour réfléchir la lumière ; au contraire, il faut qu’ils soient larges.

Ce sera encore un nouveau sujet de surprise, pour ceux qui n’ont pas étudié cette philosophie, d’entendre dire que le secret de rendre un corps opaque est souvent d’élargir ses pores, et que le moyen de le rendre transparent est de les étrécir. L’ordre de la nature paraîtra tout changé en apparence : ce qui semblait devoir faire l’opacité est précisément ce qui opérera la transparence ; et ce qui paraissait rendre les corps transparents sera ce qui les rendra opaques. Cependant rien n’est si vrai, et l’expérience la plus grossière le démontre.

Un papier sec, dont les pores sont très-larges, est opaque : nul rayon de lumière ne le traverse ; étrécissez ses pores en l’imbibant, ou d’eau ou d’huile, il devient transparent ; la même chose arrive au linge, au sel.

Il est bon d’apprendre au public qu’un homme qui a écrit depuis peu contre ces vérités, avec beaucoup plus de hauteur et de mépris que de connaissance, avait voulu railler Newton sur ces découvertes. Si le secret, dit-il, de rendre un corps transparent est d’étrécir ses pores, il faudra donc rendre les fenêtres plus petites pour avoir plus de jour dans sa chambre, etc. Je réponds qu’il est bien indécent de faire le plaisant quand on prétend parler en philosophe, et que de tourner Newton en ridicule est une entreprise trop forte ; je réponds surtout que ce plaisant devait songer qu’il est très-vrai que de larges ouvertures dont le jour serait intercepté ne rendraient pas de lumière ; et qu’un corps mince, percé d’une infinité de petits trous exposés au soleil, nous éclaire beaucoup. Le papier huilé, le linge mouillé, par exemple, sont des corps minces, dont l’huile ou l’eau ont rétréci et rectifié les pores, et la lumière passe à travers de ces pores rendus plus droits ; mais elle ne passera point à travers les plus grands cribles qui se croiseront et qui intercepteront les rayons.

Il faudrait, avant que de prendre le ton railleur, être bien sûr