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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II.

pas, et toute lumière n’échauffe pas : c’est comme si on faisait deux êtres de chaque chose qui peut servir à deux usages.

Ce feu est dardé en tout sens du point rayonnant ; c’est ce qui fait qu’il est aperçu de tous les côtés : il faut donc toujours le considérer avec les géomètres comme des lignes partant d’un centre à la circonférence. Ainsi tout faisceau, tout amas, tout trait de rayons, venant du soleil ou d’un feu quelconque, doit être considéré comme un cône dont la base est sur notre prunelle, et dont la pointe est dans le feu qui le darde.

Cette matière de feu s’élance du soleil jusqu’à nous et jusqu’à Saturne, etc., avec une rapidité qui épouvante l’imagination.

Le calcul apprend que, si le soleil est à vingt-quatre mille demi-diamètres de la terre, il s’ensuit que la lumière parcourt de cet astre à nous (en nombres ronds) mille millions de pieds par seconde. Or un boulet d’une livre de balle, poussé par une demi-livre de poudre, ne fait en une seconde que six cents pieds ; ainsi donc la rapidité d’un rayon du soleil est, en nombre rond, seize cent soixante-six mille six cents fois plus forte que celle d’un boulet de canon : il est donc constant que si un atome de lumière était seulement la seize-cent-millième partie à peu près d’une livre, il en résulterait nécessairement que des rayons de lumière feraient l’effet du canon ; et ne fussent-ils que mille milliards plus petits encore, un seul moment d’émanation de lumière détruirait tout ce qui végète sur la surface de la terre. De quelle inconcevable petitesse faut-il donc que soient ces rayons pour entrer dans nos yeux sans les blesser ?

Le soleil, qui nous darde cette matière lumineuse en sept ou huit minutes, et les étoiles, ces autres soleils, qui nous l’envoient en plusieurs années, en fournissent éternellement sans paraître s’épuiser, à peu près comme le musc élance sans cesse autour de lui des corps odoriférants sans rien perdre sensiblement de son poids.

Enfin la rapidité avec laquelle le soleil darde ses rayons est probablement en proportion avec sa grosseur, qui surpasse environ un million de fois celle de la terre, et avec la vitesse dont ce corps de feu immense roule sur lui-même en vingt-cinq jours et demi.

Quelques personnes se sont imaginé que je prétendais que cette lumière était attirée par la terre, de la substance du soleil ; mais je n’ai jamais rien dit qui ait pu donner le moindre prétexte à une telle idée.

D’autres ont prétendu que le soleil devait perdre en peu de