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LE PRÉSERVATIF.

XIX.

Dans le même nombre, par un autre excès d’ignorance, il dit que les peintres n’étaient que des barbouilleurs du temps d’Horace, et il le dit sans aucune preuve. Nous avons des statues de ce temps-là faites par des Romains : leur beauté prouve que l’art du dessin était très-connu, et on sait que la peinture est toujours en honneur quand la sculpture est perfectionnée, car ce sont deux branches de l’art du dessin.

XX.

C’est avec la même justesse d’esprit que louant, nombre 73, un satirique de nos jours, il fait un long éloge de trois épîtres[1], écrites dans un style barbare, et pleines de choses communes dites longuement.

Quel lecteur peut supporter, par exemple, que Rousseau traduise en onze vers, et quels vers ! cette seule ligne d’Horace[2] ?

 
Omne tulit punctum qui miscuit ulile dulci.
Quel auteur donc peut fixer leurs génies ?
Celui-là seul qui, formant le projet
De réunir et l’un et l’autre objet,
Sait rendre à tous l’utile délectable,
Et l’attrayant utile et profitable.
Voilà le centre et l’immuable point
Où toute ligne aboutit et se joint.
Or, ce grand but, ce point mathématique,
C’est le vrai seul, le vrai qui nous l’indique ;
Tout, hors de lui, n’est que futilité,
Et tout en lui devient sublimité[3].

Despréaux a dit : Le vrai seul est aimable[4] ; qui peut souffrir qu’on allonge ainsi cette vieille pensée ?

Dans ton histoire est un sublime essai
Où tout est beau parce que tout est vrai.
Non d’un vrai sec et crûment historique[5].

  1. Les trois épîtres de J.-B. Rousseau, qui sont le sujet de l’Utile Examen, imprimé ci-dessus, page 233.
  2. Art poétique, 343.
  3. Rousseau, Êpitre à Rollin, 34-44.
  4. Épitre IX, vers 43.
  5. Rousseau, Épitre à Rollin, 51-53.