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ET SUR SA PROPAGATION.

L’on ne peut fixer rien d’exact sur cela que pour le climat que nous habitons, et pour une température déterminée de ce climat : car les rayons du soleil en moindre ou plus grand nombre, ou dardés plus ou moins obliquement, les vents, les exhalaisons, altèrent la tissure de tous les corps.

Surtout le ressort et la pesanteur de l’air, par leurs variétés, augmentent et diminuent l’action du feu. Plus l’air est pesant, plus les corps acquièrent de chaleur à feu égal ; trois onces de plus de pesanteur dans la colonne de l’atmosphère rendent l’eau bouillante plus chaude d’un neuvième[1].

On sait déjà, par le pyromètre qu’un philosophe excellent vient d’inventer, les dilatations comparatives des métaux à feu égal, en temps égal, le baromètre étant à telle hauteur[2].

On sait par le thermomètre de Fahrenheit, le philosophe des artisans, les degrés comparatifs de la chaleur de plusieurs liqueurs, et les termes de leur chaleur.

Or, dans une température d’air déterminé, tout a son degré de chaleur déterminé. Les liqueurs bouillantes, les métaux en fusion, les minéraux calcinés, les végétaux ardents, comme les bois, etc., acquièrent un degré de chaleur passé lequel on ne peut les échauffer.

Ce dernier degré absolu et les degrés comparatifs de chaleur des fluides, des minéraux, des végétaux, peuvent, je crois, être connus à l’aide du seul thermomètre construit sur les principes de M. de Réaumur.

Il n’y a qu’une seule précaution à prendre, c’est que l’esprit-de-vin ne bouille pas dans le thermomètre. Pour cet effet, je ne plonge qu’à moitié la boule du thermomètre dans les liqueurs bouillantes.

Je mets le même thermomètre à une telle distance de chaque métal en fusion que le métal le plus ardent fait monter l’esprit-de-vin plus haut sans le faire bouillir. Je fais une table en trois colonnes : la première colonne marque le temps où la liqueur bout en un vase égal, à feu égal ; la seconde marque le degré où est monté le thermomètre, dont la boule est à moitié plongée dans la liqueur bouillante ; la troisième colonne marque le temps dans lequel le thermomètre est monté depuis la marque 0, ayant soin d’avoir toujours de la glace auprès de moi.

  1. L’eau ne bout qu’à la température pour laquelle la tension de sa vapeur égale la pression qui s’exerce sur elle. C’est la même chose pour tous les liquides. (D.)
  2. La pression atmosphérique est sans influence sur la dilatabilité des corps. (D.)