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LETTRE À M. D***.

auteur[1] trop de beautés pour que je le méprise ; mais aussi il y a trop de défauts pour que je l’admire ; et on pourrait dire de lui ce que Quintilien[2] disait de Sénèque : « Il y a dans ses ouvrages des choses admirables, mais il faut savoir les discerner ; et plût à Dieu qu’il l’eût fait lui-même ! car un homme qui a fait tout ce qu’il a voulu méritait de vouloir faire mieux. »

Vous savez, monsieur, que Mme Dacier nous a donné une traduction noble et fidèle d’Homère. Le moderne dont je vous parle a mis en vers quelques endroits de Mme Dacier, et a donné à son ouvrage le nom d’Illiade. On peut dire, en passant, que le poème de celui-ci doit être regardé comme l’ouvrage d’une femme d’esprit, et celui de Mme Dacier comme le chef-d’œuvre d’un savant homme. M. l’abbé du Jarry a fait une épître en prose rimée à l’honneur de la nouvelle Iliade en vers français. Il a porté son épître, de porte en porte, chez tous les académiciens amis des modernes. Puis il a composé pour le prix ; il l’a remporté : messieurs de l’Académie ont de la reconnaissance.

Au reste, monsieur, il faut vous avertir qu’on estime et qu’on révère plusieurs académiciens autant qu’on méprise le poëme de M. l’abbé du Jarry ; c’est tout dire.


  1. Lamotte.
  2. Inst., livre X, chapitre ier, 31.