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LETTRE XXII.

Suivi de son grand écuyer,
S’échappa de son poulailler,
Avec son sabre et l’Évangile,
Et s’avisa de guerroyer.

Sire Hudibras, cet homme rare,
Était, dit-on, rempli d’honneur.
Avait de l’esprit et du cœur ;
Mais il en était fort avare.
D’ailleurs, par un talent nouveau,
Il était tout propre au barreau.
Ainsi qu’à la guerre cruelle ;
Grand sur les bancs, grand sur la selle,
Dans les camps et dans un bureau ;
Semblable à ces rats amphibies,
Qui, paraissant avoir deux vies.
Sont rats de campagne et rats d’eau.
Mais, malgré sa grande éloquence.
Et son mérite, et sa prudence,
Il passa chez quelques savants
Pour être un de ces instruments
Dont les fripons avec adresse
Savent user sans dire mot.
Et qu’ils tournent avec souplesse :
Cet instrument s’appelle un sot.
Ce n’est pas qu’en théologie,
En logique, en astrologie,
Il ne fût un docteur subtil ;
En quatre il séparait un fil,
Disputant sans jamais se rendre,
Changeant de thèse tout à coup,
Toujours prêt à parler beaucoup,
Quand il fallait ne pas s’entendre.

D’Hudibras la religion
Était, tout comme sa raison.
Vide de sens et fort profonde :
Le puritanisme divin,
La meilleure secte du monde,
Et qui certes n’a rien d’humain ;
La vraie église militante,
Qui prêche un pistolet en main.
Pour mieux convertir son prochain
À grands coups de sabre argumente ;
Qui promet les célestes biens
Par le gibet et par la corde.