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LE BACHELIER.

Mais, monsieur, sur quels endroits de l’Évangile ? Car j’ai lu une partie de cet Évangile dans nos cahiers de théologie. Est-ce sur l’ange descendu des nuées pour annoncer à Marie qu’elle sera engrossée par le Saint-Esprit ? Est-ce sur le voyage des trois rois et d’une étoile ? sur le massacre de tous les enfants du pays ? sur la peine que prit le diable d’emporter Dieu dans le désert, au faîte du temple et à la cime d’une montagne, dont on découvrait tous les royaumes de la terre ? sur le miracle de l’eau changée en vin à une noce de village ? sur le miracle de deux mille cochons que le diable noya dans un lac par ordre de Jésus sur…

FREIND.

Monsieur, nous respectons toutes ces choses, parce qu’elles sont dans l’Évangile, et nous n’en parlons jamais, parce qu’elles sont trop au-dessus de la faible raison humaine.

LE BACHELIER.

Mais on dit que vous n’appelez jamais la sainte Vierge mère de Dieu.

FREIND.

Nous la révérons, nous la chérissons ; mais nous croyons qu’elle se soucie peu des titres qu’on lui donne ici-bas. Elle n’est jamais nommée mère de Dieu dans l’Évangile. Il y eut une grande dispute, en 431, à un concile d’Éphèse, pour savoir si Marie était théotocos, et si, Jésus-Christ étant Dieu à la fois et fils de Marie, il se pouvait que Marie fût à la fois mère de Dieu le Père, et mère de Dieu le Fils, qui ne font qu’un Dieu. Nous n’entrons point dans ces querelles d’Éphèse, et la Société royale de Londres ne s’en mêle pas.

LE BACHELIER.

Mais, monsieur, vous me donnez là du théotocos ! qu’est-ce que théotocos, s’il vous plaît ?

FREIND.

Cela signifie mère de Dieu. Quoi ! vous êtes bachelier de Salamanque, et vous ne savez pas le grec ?

LE BACHELIER.

Mais le grec, le grec ! de quoi cela peut-il servir à un Espagnol ? Mais, monsieur, croyez-vous que Jésus ait une nature, une personne et une volonté ? ou deux natures, deux personnes, et deux volontés ? ou une volonté, une nature, et deux personnes ? ou deux volontés, deux personnes, et une nature ? ou…

FREIND.

Ce sont encore les affaires d’Éphèse ; cela ne nous importe en rien.