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HISTOIRE DE JENNI
OU
L’ATHÉE ET LE SAGE
PAR M. SHERLOC
TRADUIT PAR M. DE LA CAILLE[1]


(1775)



CHAPITRE I.

Vous me demandez, monsieur, quelques détails sur notre ami le respectable Freind, et sur son étrange fils. Le loisir dont je jouis enfin après la retraite de milord Peterborough me permet de vous satisfaire. Vous serez aussi étonné que je l’ai été, et vous partagerez tous mes sentiments.

Vous n’avez guère vu ce jeune et malheureux Jenni, ce fils unique de Freind, que son père mena avec lui en Espagne lorsqu’il était chapelain de notre armée, en 1705. Vous partîtes pour Alep avant que milord assiégeât Barcelone ; mais vous avez raison de me dire que Jenni était de la figure la plus aimable et la plus engageante, et qu’il annonçait du courage et de l’esprit. Rien n’est plus vrai ; on ne pouvait le voir sans l’aimer. Son père l’avait d’abord destiné à l’Église ; mais le jeune homme ayant marqué de la répugnance pour cet état, qui demande tant d’art, de ména-

  1. « Nous n’avons cru devoir faire aucune remarque sur cet ouvrage, par des raisons que devineront sans peine ceux qui connaissent le but que l’auteur avait en l’écrivant. » Ainsi s’exprime Condorcet dans l’édition de Kehl. L’Histoire de Jenni est dirigée contre les doctrines des encyclopédistes, doctrines propres à Condorcet lui-même.