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manger au poisson de Jonas : car le roi mon seigneur, qui est juste, veut se venger du taureau blanc, qui a ensorcelé sa fille. »

Le bon vieillard Mambrès fit plus de réflexions que jamais. Il vit bien que le malin corbeau était allé tout dire au roi, et que la princesse courait grand risque d’avoir le cou coupé. Il dit au serpent : « Mon cher ami, allez vite consoler la belle Amaside, ma nourrissonne ; dites-lui qu’elle ne craigne rien, quelque chose qui arrive, et faites-lui des contes pour charmer son inquiétude, car les contes amusent toujours les filles, et ce n’est que par des contes qu’on réussit dans le monde. »

Puis il se prosterna devant Amasis, roi de Tanis, et lui dit : « Ô roi ! vivez à jamais. Le taureau blanc doit être sacrifié, car Votre Majesté a toujours raison ; mais le Maître des choses a dit : « Ce taureau ne doit être mangé par le poisson de Jonas qu’après que Memphis aura trouvé un dieu pour mettre à la place de son dieu qui est mort. « Alors vous serez vengé, et votre fille sera exorcisée, car elle est possédée. Vous avez trop de piété pour ne pas obéir aux ordres du Maître des choses ».

Amasis, roi de Tanis, resta tout pensif ; puis il dit : « Le bœuf Apis est mort ; Dieu veuille avoir son âme ! Quand croyez-vous qu’on aura trouvé un autre bœuf pour régner sur la féconde Égypte ?

— Sire, dit Mambrès, je ne vous demande que huit jours. »

Le roi, qui était très-dévot, dit : « Je les accorde, et je veux rester ici huit jours ; après quoi je sacrifierai le séducteur de ma fille » ; et il fit venir ses tentes, ses cuisiniers, ses musiciens, et resta huit jours en ce lieu, comme il est dit dans Manéthon.

La vieille était au désespoir de voir que le taureau qu’elle avait en garde n’avait plus que huit jours à vivre. Elle faisait apparaître toutes les nuits des ombres au roi pour le détourner de sa cruelle résolution ; mais le roi ne se souvenait plus le matin des ombres qu’il avait vues la nuit, de même que Nabuchodonosor avait oublié ses songes.


CHAPITRE VIII.
COMMENT LE SERPENT FIT DES CONTES À LA PRINCESSE POUR LA CONSOLER.


Cependant le serpent contait des histoires à la belle Amaside pour calmer ses douleurs. Il lui disait comment il avait guéri autrefois tout un peuple de la morsure de certains petits ser-