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ZÈLE.

l’avaient préparé pour l’horrible cérémonie de la secte, du jeune homme qui en avait été complice, de l’évêque qui l’avait ordonnée et qui y avait présidé. Il renvoie ceux de ses auditeurs qui en voudront savoir davantage aux informations qui avaient été faites, et qu’il communiqua aux évêques d’Italie dans sa seconde lettre.

Ce témoignage paraît plus précis et plus décisif que celui de saint Augustin ; mais il n’est rien moins que suffisant pour prouver un fait démenti par les protestations des accusés, et par les principes certains de leur morale. En effet, quelles preuves a-t-on que les personnes infâmes interrogées par Léon n’ont pas été gagnées pour déposer contre leur secte ?

On répondra que la piété et la sincérité de ce pape ne permettront jamais de croire qu’il ait procuré une telle fraude. Mais si, comme nous l’avons dit à l’article Reliques, le même saint Léon a été capable de supposer que des linges, des rubans qu’on a mis dans une boîte, et que l’on a fait descendre dans le sépulcre de quelques saints, ont répandu du sang quand on les a coupés ; ce pape dut-il se faire aucun scrupule de gagner ou de faire gagner des femmes perdues et je ne sais quel évêque manichéen, lesquels, assurés de leur grâce, s’avoueraient coupables des crimes qui peuvent être vrais pour eux en particulier, mais non pour leur secte, de la séduction de laquelle saint Léon voulait garantir son peuple ? De tout temps les évêques se sont crus autorisés à user de ces fraudes pieuses, qui tendent au salut des âmes. Les écrits supposés et apocryphes en sont une preuve, et la facilité avec laquelle les Pères ajoutaient foi à ces mauvais ouvrages fait voir que, s’ils n’étaient pas complices de la fraude, ils n’étaient pas scrupuleux à en profiter.

Enfin saint Léon prétend confirmer les crimes secrets des manichéens par un argument qui les détruit. Ces exécrables mystères, dit-il[1], qui plus ils sont impurs, plus on a soin de les cacher, sont communs aux manichéens et aux priscillianistes. C’est partout le même sacrilége, la même obscénité, la même turpitude. Ces crimes, ces infamies, sont les mêmes que l’on découvrit autrefois dans les priscillianistes, et dont toute la terre a été informée.

Les priscillianistes ne furent jamais coupables de ceux pour lesquels on les fit périr. On trouve dans les Œuvres de saint Augustin[2] le Mémoire instructif qui fut remis à ce Père par Orose,

  1. Lettre cxiii, chapitre xvi. (Note de Voltaire.)
  2. Tome VIII, col. 430. (Id.)