Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/595

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
585
VISION DE CONSTANTIN.

que de Constantin seul. Ils diffèrent sur le temps de la vision. Philostorge, dans son Histoire ecclésiastique, dont Photius nous a conservé l’extrait, dit[1] que ce fut lorsque Constantin remporta la victoire sur Maxence ; d’autres prétendent que ce fut auparavant, lorsque Constantin faisait des préparatifs pour attaquer le tyran, et qu’il était en marche avec son armée. Arthémius, cité par Métaphraste et Surius, sur le 20 octobre, dit que c’était à midi ; d’autres, l’après-midi, lorsque le soleil baissait.

Les auteurs ne s’accordent pas davantage sur la vision même, le plus grand nombre n’en reconnaissant qu’une, et encore en songe ; il n’y a qu’Eusèbe, suivi par Philostorge et Socrate[2], qui parlent de deux, l’une que Constantin vit de jour, et l’autre qu’il vit en songe, servant à confirmer la première ; Nicéphore Calliste[3] en compte trois.

L’inscription offre de nouvelles différences. Eusèbe dit qu’elle était en grec, d’autres ne parlent point d’inscription. Selon Philostorge et Nicéphore, elle était en caractères latins ; les autres n’en disent rien, et semblent par leur récit supposer que les caractères étaient grecs. Philostorge assure que l’inscription était formée par un assemblage d’étoiles ; Arthémius dit que les lettres étaient dorées. L’auteur cité par Photius[4] les représente composées de la même matière lumineuse que la croix ; et selon Sozomène[5] il n’y avait point d’inscription, et ce furent les anges qui dirent à Constantin : Remportez la victoire par ce signe.

Enfin le rapport des historiens est opposé sur les suites de cette vision. Si l’on s’en tient à Eusèbe, Constantin, aidé du secours de Dieu, remporta sans peine la victoire sur Maxence ; mais, selon Lactance, la victoire fut fort disputée : il dit même que les troupes de Maxence eurent quelque avantage avant que Constantin eût fait approcher son armée des portes de Rome. Si l’on en croit Eusèbe et Sozomène, depuis cette époque Constantin fut toujours victorieux, et opposa le signe salutaire de la croix à ses ennemis, comme un rempart impénétrable. Cependant un auteur chrétien, dont M. de Valois a rassemblé des fragments à la suite d’Ammien Marcellin[6], rapporte que dans les deux batailles livrées à Licinius par Constantin la victoire fut douteuse, et que Constantin fut même blessé légèrement à la cuisse ; et Nicéphore[7]

  1. Livre I, chapitre vi. (Note de Voltaire.)
  2. Hist. eccl., livre I, chap. ii. (Id.)
  3. Ibid., livre VIII, chapitre iii. (Id.)
  4. Bibl., cahier 256. (Note de Voltaire.)
  5. Hist. eccl., livre I, chapitre iii. (Id.)
  6. Pages 473 et 475. (Id.)
  7. Livre VII, chapitre xlvii. (Id.)