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SIBYLLE.

sont pas les premiers auteurs de la supposition des livres sibyllins. Josèphe ne rapportant pas les paroles mêmes de la sibylle, nous ne sommes plus en état de vérifier si ce qui est dit de ce même événement dans notre collection était tiré de l’ouvrage cité par Josèphe ; mais il est certain que plusieurs des vers attribués à la sibylle, dans l’exhortation qui se trouve parmi les œuvres de saint Justin, dans l’ouvrage de Théophile d’Antioche, dans Clément d’Alexandrie, et dans quelques autres Pères, ne se lisent point dans notre recueil ; et comme la plupart de ces vers ne portent aucun caractère de christianisme, ils pourraient être l’ouvrage de quelque Juif platonisant.

Dès le temps de Celse les sibylles avaient déjà quelque crédit parmi les chrétiens, comme il paraît par deux passages de la réponse d’Origène. Mais dans la suite, les vers sibyllins paraissant favorables au christianisme, on les employa communément dans les ouvrages de controverse, avec d’autant plus de confiance que les païens eux-mêmes, qui reconnaissaient les sibylles pour des femmes inspirées, se retranchaient à dire que les chrétiens avaient falsifié leurs écrits : question de fait qui ne pouvait être décidée que par une comparaison des différents manuscrits, que très-peu de gens étaient en état de faire.

Enfin ce fut d’un poëme de la sibylle de Cumes que l’on tira les principaux dogmes du christianisme. Constantin, dans le beau discours qu’il prononça devant l’assemblée des saints, montre que la quatrième églogue de Virgile n’est qu’une description prophétique du Sauveur, et que s’il n’a pas été l’objet immédiat du poëte, il l’a été de la sibylle dont le poëte a emprunté ses idées, laquelle, étant remplie de l’esprit de Dieu, avait annoncé la naissance du Rédempteur.

On crut voir dans ce poëme le miracle de la naissance de Jésus d’une vierge, l’abolition du péché par la prédication de l’Évangile, l’abolition de la peine par la grâce du Rédempteur. On y crut voir l’ancien serpent terrassé, et le venin mortel dont il a empoisonné la nature humaine entièrement amorti. On y crut voir que la grâce du Seigneur, quelque puissante qu’elle soit, laisserait néanmoins subsister dans les fidèles des restes et des vestiges du péché ; en un mot, on y crut voir Jésus-Christ annoncé sous le grand caractère de fils de Dieu.

Il y a dans cette églogue quantité d’autres traits qu’on dirait avoir été copiés d’après les prophètes juifs, et qui s’appliquent d’eux-mêmes à Jésus-Christ : c’est du moins le sentiment général