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SAMSON.

laquelle on vante beaucoup un de nos confrères les commentateurs, nommé Paræus, lequel s’aperçut le premier, par la force de son génie, que l’Apocalypse est une tragédie. En vertu de cette découverte, il partagea l’Apocalypse en cinq actes, et y inséra des chœurs dignes de l’élégance et du beau naturel de la pièce. L’auteur de cette même préface nous parle des belles tragédies de saint Grégoire de Nazianze. Il assure qu’une tragédie ne doit jamais avoir plus de cinq actes ; et, pour le prouver, il nous donne le Samson agoniste de Milton, qui n’en a qu’un. Ceux qui aiment les longues déclamations seront satisfaits de cette pièce.

Une comédie de Samson fut jouée longtemps en Italie. On en donna une traduction à Paris en 1717, par un nommé Romagnesi ; on la représenta sur le théâtre français de la comédie prétendue italienne, anciennement le palais des ducs de Bourgogne. Elle fut imprimée et dédiée au duc d’Orléans, régent de France.

Dans cette pièce sublime, Arlequin, valet de Samson, se battait contre un coq d’Inde, tandis que son maître emportait les portes de la ville de Gaza sur ses épaules.

En 1732, on voulut représenter à l’Opéra de Paris une tragédie de Samson[1] mise en musique par le célèbre Rameau ; mais on ne le permit pas. Il n’y avait ni arlequin ni coq d’Inde, la chose parut trop sérieuse : on était bien aise d’ailleurs de mortifier Rameau, qui avait de grands talents. Cependant on joua dans ce temps-là l’opéra de Jephté, tiré de l’Ancien Testament, et la comédie de l’Enfant prodigue, tirée du Nouveau.

Il y a une vieille édition du Samson agoniste de Milton, précédée d’un abrégé de l’histoire de ce héros ; voici la traduction de cet abrégé.

Les Juifs, à qui Dieu avait promis par serment tout le pays qui est entre le ruisseau d’Égypte et l’Euphrate, et qui pour leurs péchés n’eurent jamais ce pays, étaient au contraire réduits en servitude ; et cet esclavage dura quarante ans. Or il y avait un Juif de la tribu de Dan, nommé Manué ou Manao, et la femme de ce Manué était stérile ; et un ange apparut à cette femme, et lui dit : « Vous aurez un fils, à condition qu’il ne boira jamais de vin, qu’il ne mangera jamais de lièvre, et qu’on ne lui fera jamais les cheveux. »

L’ange apparut ensuite au mari et à la femme ; on lui donna un chevreau à manger ; il n’en voulut point, et disparut au milieu

  1. Samson, opéra de Voltaire. Voyez au tome II du Théâtre.