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RELIGION.

divin Logos, deux natures et deux volontés résultantes de l’hypostase, et enfin la manducation supérieure, l’âme nourrie ainsi que le corps des membres et du sang de l’Homme-Dieu adoré et mangé sous la forme du pain, présent aux yeux, sensible au goût, et cependant anéanti. Tous les mystères ont été sublimes.

On commença, dès le second siècle, par chasser les démons au nom de Jésus ; auparavant on les chassait au nom de Jehovah ou Ihaho : car saint Matthieu rapporte que les ennemis de Jésus ayant dit qu’il chassait les démons au nom du prince des démons, il leur répondit : « Si c’est par Belzébuth que je chasse les démons, par qui vos enfants les chassent-ils ? »

On ne sait point en quel temps les Juifs reconnurent pour prince des démons Belzébuth, qui était un dieu étranger ; mais on sait (et c’est Josèphe qui nous l’apprend) qu’il y avait à Jérusalem des exorcistes préposés pour chasser les démons des corps des possédés, c’est-à-dire des hommes attaqués de maladies singulières, qu’on attribuait alors dans une grande partie de la terre à des génies malfaisants.

On chassait donc ces démons avec la véritable prononciation de Jehovah aujourd’hui perdue, et avec d’autres cérémonies aujourd’hui oubliées.

Cet exorcisme par Jehovah ou par les autres noms de Dieu était encore en usage dans les premiers siècles de l’Église. Origène, en disputant contre Celse, lui dit, n° 262[1] : « Si en invoquant Dieu, ou en jurant par lui, on le nomme le Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob, on fera certaines choses par ces noms, dont la nature et la force sont telles que les démons se soumettent à ceux qui les prononcent ; mais si on le nomme d’un autre nom, comme Dieu de la mer bruyante, supplantateur, ces noms seront sans vertu. Le nom d’Israël traduit en grec ne pourra rien opérer ; mais prononcez-le en hébreu, avec les autres mots requis, vous opérerez la conjuration. »

Le même Origène, au nombre xix, dit ces paroles remarquables : « Il y a des noms qui ont naturellement de la vertu, tels que sont ceux dont se servent les sages parmi les Égyptiens, les mages en Perse, les brachmanes dans l’Inde. Ce qu’on nomme magie n’est pas un art vain et chimérique, ainsi que le prétendent les stoïciens et les épicuriens : ni le nom de Sabaoth, ni celui d’Adonaï, n’ont pas été faits pour des êtres créés ; mais ils appartiennent à une théologie mystérieuse qui se rapporte au Créateur ;

  1. Ce n’est pas n° 262, mais page 262 de l’édition de Cambridge, 1677, in-4o.