Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
RELIGION.

— C’est ainsi que j’en ai toujours usé.

— Ne pourrai-je, en faisant du bien, me dispenser d’aller en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle ?

— Je n’ai jamais été dans ce pays-là.

— Faudrait-il me confiner dans une retraite avec des sots ?

— Pour moi, j’ai toujours fait de petits voyages de ville en ville.

— Me faudrait-il prendre parti pour l’Église grecque ou pour la latine ?

— Je ne fis aucune différence entre le Juif et le Samaritain quand je fus au monde.

— Eh bien, s’il est ainsi, je vous prends pour mon seul maître. » Alors il me fit un signe de tête qui me remplit de consolation.

La vision disparut, et la bonne conscience me resta.


SECTION III[1].
QUESTIONS SUR LA RELIGION.
PREMIÈRE QUESTION.

L’évêque de Worcester, Warburton, auteur d’un des plus savants ouvrages qu’on ait jamais faits, s’exprime ainsi, page 8, tome Ier : « Une religion, une société qui n’est pas fondée sur la créance d’une autre vie, doit être soutenue par une providence extraordinaire. Le judaïsme n’est pas fondé sur la créance d’une autre vie : donc le judaïsme a été soutenu par une providence extraordinaire. »

Plusieurs théologiens se sont élevés contre lui ; et comme on rétorque tous les arguments, on a rétorqué le sien, on lui a dit :

« Toute religion qui n’est pas fondée sur le dogme de l’immortalité de l’âme, et sur les peines et les récompenses éternelles, est nécessairement fausse : or le judaïsme ne connut point ces dogmes ; donc le judaïsme, loin d’être soutenu par la Providence, était, par vos principes, une religion fausse et barbare qui attaquait la Providence. »

Cet évêque eut quelques autres adversaires qui lui soutinrent que l’immortalité de l’âme était connue chez les Juifs, dans le temps même de Moïse ; mais il leur prouva très-évidemment que ni le Décalogue, ni le Lévitique, ni le Deutéronome, n’avaient dit

  1. Dans l’édition de 1764 du Dictionnaire philosophique, l’article Religion était composé seulement des sept premières questions. (B.)