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RAISON.

fallait se donner le plaisir de la satire[1]. En conséquence, d’après ce qu’il avait recueilli des médisances féminines, il composa un catalogue de livres dans lequel il déchira tout Genève. Je ne me souviens que d’un article, et le voici : le Mauvais Ménage, opéra-comique, par monsieur et madame Gallatin. Tous les autres étaient dans ce goût. Cela fut su ; il lui honni, s’intrigua, alla en Danemark, etc., etc., etc.

Je ne peux plus répondre de la vérité des faits qui ont suivi cette époque.



R.


RAISON[2].


Dans le temps que toute la France était folle du système de Lass[3] et qu’il était contrôleur général, un homme qui avait toujours raison vint lui dire, en présence d’une grande assemblée :

« Monsieur, vous êtes le plus grand fou, le plus grand sot, ou le plus grand fripon qui ait encore paru parmi nous ; et c’est beaucoup dire : voici comme je le prouve. Vous avez imaginé qu’on peut décupler les richesses d’un État avec du papier ; mais ce papier ne pouvant représenter que l’argent, représentatif des vraies richesses, qui sont les productions de la terre et des manufactures, il faudrait que vous eussiez commencé par nous donner dix fois plus de blé, de vin, de drap et de toile, etc. Ce n’est pas assez, il faudrait être sûr du débit. Or vous faites dix fois plus de billets que nous n’avons d’argent et de denrées ; donc vous êtes dix fois plus extravagant, ou plus inepte, ou plus fripon, que tous les contrôleurs ou surintendants qui vous ont précédé. Voici d’abord comme je prouve ma majeure. »

  1. Nota. Il logeait à Genève chez M. Giraudeau l’ainé, auteur de la Banque rendue facile, etc. Il y brouilla et perdit tout ; il y traduisit le catéchisme théologique de M. Ostervald ; il y fit quelques fragments satiriques, qui furent insérés dans le Mercure suisse ; je ne peux me rappeler l’année, ni le mois ; mais il en est un qui a pour épigraphe ces deux vers de M. de Voltaire, avec un hémistiche gâté :

    Courons après la gloire, amis. L’ambition
    Est du cœur des humains la grande passion.

    (Note de Voltaire.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)
  3. Voyez le chapitre ii du Précis du Siècle de Louis XV, tome XV.