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QUAKERS.

nité est ce qui ne finit jamais. Les brachmanes pensaient comme l’abbé de Chaulieu.

Pardonne alors, Seigneur, si, plein de tes bontés,
Je n’ai pu concevoir que mes fragilités,
Ni tous ces vains plaisirs qui passent comme un songe,
Pussent être l’objet de tes sévérités ;
Et si j’ai pu penser que tant de cruautés
Puniraient un peu trop la douceur d’un mensonge.

(Épître sur la mort, au marquis de La Fare.)


Q.



QUAKERS[1].


Quaker ou qouacre, ou primitif, ou membre de la primitive église chrétienne, ou pensylvanien, ou philadelphien.


De tous ces titres, celui que j’aime le mieux est celui de Philadelphien, ami des frères. Il y a bien des sortes de vanités ; mais la plus belle est celle qui, ne s’arrogeant aucun titre, rend presque tous les autres ridicules.

Je m’accoutume bientôt à voir un bon Philadelphien me traiter d’ami et de frère ; ces mots raniment dans mon cœur la charité, qui se refroidit trop aisément. Mais que deux moines s’appellent, s’écrivent Votre Révérence ; qu’ils se fassent baiser la main en Italie et en Espagne : c’est le dernier degré d’un orgueil en démence ; c’est le dernier degré de sottise dans ceux qui la baisent ; c’est le dernier degré de la surprise et du rire dans ceux qui sont témoins de ces inepties. La simplicité du Philadelphien est la satire continuelle des évêques qui se monseigneurisent.

« N’avez-vous point de honte, disait un laïque au fils d’un manœuvre, devenu évêque[2], de vous intituler monseigneur et

  1. Dans l’édition de Kehl cet article était divisé en trois sections. La première se composait des ire et iie Lettres sur les Anglais (voyez les Mélanges, année 1734). La seconde section comprenait les iiie et ive de ces mêmes Lettres (voyez Mélanges, année 1734). Enfin la troisième section était formée de l’article qu’on lit ici, et qui est la réimpression entière de celui qui était dans les Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.) — Voyez aussi la note, tome XIX, page 343.
  2. Biord, évêque d’Annecy, qui persécuta Voltaire (voyez Fanatisme, section iii), était fils d’un maçon.