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PURGATOIRE.

Mais les simoniens et les origénistes avaient-ils pris ce purgatoire dans Virgile, dans Platon, chez les Égyptiens ?

Vous le trouvez clairement énoncé dans le sixième livre de Virgile, ainsi que nous l’avons déjà remarqué[1] ; et ce qui est de plus singulier, c’est que Virgile peint des âmes pendues en plein air, d’autres brûlées, d’autres noyées :

Aliæ panduntur inanes
Suspensæ ad ventos ; aliis sub gurgite vasto
Infectum eluitur scelus, aut exuritur igni.

(Virg., Æn., VI, 740.)

L’abbé Pellegrin traduit ainsi ces vers :

On voit ces purs esprits branler au gré des vents,
Ou noyés dans les eaux, ou brûlés dans les flammes ;
C’est ainsi qu’on nettoie et qu’on purge les âmes.

Et ce qu’il y a de plus singulier encore, c’est que le pape Grégoire, surnommé le grand, non-seulement adopta cette théologie de Virgile, mais dans ses dialogues il introduit plusieurs âmes qui arrivent du purgatoire, après avoir été pendues ou noyées.

Platon avait parlé du purgatoire dans son Phédon, et il est aisé de se convaincre, par la lecture du Mercure Trismégiste, que Platon avait pris chez les Égyptiens tout ce qu’il n’avait pas emprunté de Timée de Locres.

Tout cela est bien récent, tout cela est d’hier en comparaison des anciens brachmanes. Ce sont eux, il faut l’avouer, qui inventèrent le purgatoire, comme ils inventèrent aussi la révolte et la chute des génies, des animaux célestes[2].

C’est dans leur Shasta, ou Shastabad, écrit trois mille cent ans avant l’ère vulgaire, que mon cher lecteur trouvera le purgatoire. Ces anges rebelles, dont on copia l’histoire chez les Juifs, du temps du rabbin Gamaliel, avaient été condamnés par l’Éternel et par son fils à mille ans de purgatoire ; après quoi Dieu leur pardonna et les fit hommes. Nous vous l’avons déjà dit, mon cher lecteur ; nous vous avons déjà représenté que les brachmanes trouvèrent l’éternité des supplices trop dure[3] : car enfin l’éter-

  1. Voyez tome XI, page 384 ; et ci-après l’article Résurrection, section iii.
  2. Voyez l’article Brachmanes. (Note de Voltaire.)
  3. Tome XVIII, page 34.