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MAHOMÉTANS.

Ces raisons sont si bonnes que tous les peuples ont eu des sorciers. Les plus grands sorciers étaient payés par l’État pour voir clairement l’avenir dans le cœur et dans le foie d’un bœuf. Pourquoi donc a-t-on si longtemps puni les autres de mort ? Ils faisaient des choses plus merveilleuses : on devait donc les honorer beaucoup, on devait surtout craindre leur puissance. Rien n’est plus ridicule que de condamner un vrai magicien à être brûlé, car on devait présumer qu’il pouvait éteindre le feu, et tordre le cou à ses juges. Tout ce qu’on pouvait faire, c’était de lui dire : « Mon ami, nous ne vous brûlons pas comme un sorcier véritable, mais comme un faux sorcier, qui vous vantez d’un art admirable que vous ne possédez pas ; nous vous traitons comme un homme qui débite de la fausse monnaie : plus nous aimons la bonne, plus nous punissons ceux qui en donnent de fausse ; nous savons très-bien qu’il y a eu autrefois de vénérables magiciens, mais nous sommes fondés à croire que vous ne l’êtes pas, puisque vous vous laissez brûler comme un sot. »

Il est vrai que le magicien, poussé à bout, pourrait dire : « Ma science ne s’étend pas jusqu’à éteindre un bûcher sans eau, et jusqu’à donner la mort à mes juges avec des paroles ; je peux seulement évoquer des âmes, lire dans l’avenir, changer certaines matières en d’autres : mon pouvoir est borné ; mais vous ne devez pas pour cela me brûler à petit feu ; c’est comme si vous faisiez pendre un médecin qui aurait guéri de la fièvre, et qui ne pourrait vous guérir d’une paralysie. » Mais les juges lui répliqueraient : « Faites-nous donc voir quelque secret de votre art, ou consentez à être brûlé de bonne grâce[1]. »



MAHOMÉTANS[2].


Je vous le dis encore, ignorants imbéciles, à qui d’autres ignorants ont fait accroire que la religion mahométane est voluptueuse et sensuelle, il n’en est rien[3] ; on vous a trompés sur ce point comme sur tant d’autres.

Chanoines, moines, curés même, si on vous imposait la loi de ne manger ni boire depuis quatre heures du matin jusqu’à dix du soir, pendant le mois de juillet, lorsque le carême arri-

  1. Voyez Possédés.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, 1774. in-4o. (B.)
  3. Voyez Essai sur les Mœurs, chapitre vii, tome XI, page 216 ; et dans les Mélanges, année 1767, le chapitre iii de la Défense de mon oncle.