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PROPHÉTIES.

sainte religion. Au contraire, ils allèguent cent endroits qui, selon eux, disent que la loi mosaïque doit durer éternellement.

Le fameux passage qui doit confondre les juifs et faire triompher la religion chrétienne, de l’aveu de tous nos grands théologiens, est celui d’Isaïe : « Voici : une vierge sera enceinte, elle enfantera un fils, et son nom sera Emmanuel ; il mangera du beurre et du miel jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien... Et avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, la terre que tu as en détestation sera abandonnée de ses deux rois... Et l’Éternel sifflera aux mouches des ruisseaux d’Égypte, et aux abeilles qui sont au pays d’Assur... Et en ce jour-là le Seigneur rasera avec un rasoir de louage le roi d’Assur, la tête et le poil des génitoires, et il achèvera aussi la barbe... Et l’Éternel me dit : Prends un grand rouleau et y écris avec une touche en gros caractère, qu’on se dépêche de butiner, prenez vite les dépouilles... Donc je pris avec moi de fidèles témoins, savoir Urie le sacrificateur, et Zacharie, fils de Jeberecia... Et je couchai avec la prophétesse ; elle conçut et enfanta un enfant mâle ; et l’Éternel me dit : Appelle l’enfant Maher-salal-has-bas. Car avant que l’enfant sache crier mon père et ma mère, on enlèvera la puissance de Damas, et le butin de Samarie devant le roi d’Assur. »

Le rabbin Isaac affirme, après tous les autres docteurs de sa loi, que le mot hébreu alma signifie tantôt une vierge, tantôt une femme mariée ; que Ruth est appelée alma lorsqu’elle était mère ; qu’une femme adultère est quelquefois même nommée alma ; qu’il ne s’agit ici que de la femme du prophète Isaïe ; que son fils ne s’appelle point Emmanuel, mais Maher-salal-has-bas ; que quand ce fils mangera du beurre et du miel, les deux rois qui assiégent Jérusalem seront chassés du pays, etc.

Ainsi ces interprètes aveugles de leur propre religion et de leur propre langue combattent contre l’Église, et disent obstinément que cette prophétie ne peut regarder Jésus-Christ en aucune manière.

On a mille fois réfuté leur explication dans nos langues modernes. On a employé la force, les gibets, les roues, les flammes ; cependant ils ne se rendent pas encore.

« Il a porté nos maladies, et il a soutenu nos douleurs, et nous l’avons cru affligé de plaies, frappé de Dieu et affligé. »

Quelque frappante que cette prédiction puisse nous paraître, ces Juifs obstinés disent qu’elle n’a nul rapport avec Jésus-Christ, et qu’elle ne peut regarder que les prophètes qui étaient persécutés pour les péchés du peuple.