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PROPHÉTIES.

afin que cette parole de l’Écriture fût accomplie[1] : Vous ne briserez aucun de ses os.

Cette Écriture, citée par saint Jean, s’entendait à la lettre de l’agneau pascal que devaient manger les Israélites ; mais Jean-Baptiste ayant appelé[2] Jésus l’agneau de Dieu, non-seulement on lui en fit depuis l’application, mais on prétendit même que sa mort avait été prédite par Confucius. Spizeli cite l’Histoire de la Chine par Martini, dans laquelle il est rapporté que l’an 39 du règne de Kingi, des chasseurs tuèrent hors des portes de la ville un animal rare que les Chinois appellent kilin, c’est-à-dire agneau de Dieu. À cette nouvelle Confucius frappa sa poitrine, jeta de profonds soupirs, et s’écria plus d’une fois : Kilin, qui est-ce qui a dit que vous étiez venu ? Il ajouta : Ma doctrine tend à sa fin, elle ne sera plus d’aucun usage dès que vous paraîtrez.

On trouve encore une autre prophétie du même Confucius dans son second livre, laquelle on applique également à Jésus, quoiqu’il n’y soit pas désigné sous le nom d’agneau de Dieu. La voici : On ne doit pas craindre que lorsque le Saint, l’attendu des nations sera venu, on ne rende pas à sa vertu tout l’honneur qui lui est dû. Ses œuvres seront conformes aux lois du ciel et de la terre.

Ces prophéties contradictoires, prises dans les livres des Juifs, semblent excuser leur obstination, et peuvent rendre raison de l’embarras de nos théologiens dans leur controverse avec eux. De plus, celles que nous venons de rapporter des autres peuples prouvent que l’auteur des Nombres, les apôtres et les Pères, reconnaissent des prophètes chez toutes les nations. C’est ce que prétendent aussi les Arabes[3], qui comptent cent vingt-quatre mille prophètes depuis la création du monde jusqu’à Mahomet, et croient que chacun d’eux a été envoyé à une nation particulière.

Nous parlerons des prophétesses à l’article Sibylle.

SECTION II[4].

Il est encore des prophètes : nous en avions deux à Bicêtre en 1723 ; l’un et l’autre se disaient Élie. On les fouetta, et il n’en fut plus question.

  1. Exod., chapitre xii, v. 46 ; et Nomb., chapitre ix, v. 12. (Note de Voltaire.)
  2. Jean, chapitre i, v. 29 et 36. (Id.)
  3. Histoire des Arabes, chapitre xx, par Abraham Echellensis. (Id.)
  4. Section première dans les Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771. (B.)