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PROPHÉTIES.

ajoute l’évangéliste, il leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprissent les Écritures.

On sentira la nécessité indispensable d’avoir l’esprit ouvert pour comprendre les prophéties, si l’on fait attention que les Juifs, qui en étaient les dépositaires, n’ont jamais pu reconnaître Jésus pour le messie, et qu’il y a dix-huit siècles que nos théologiens disputent avec eux pour fixer le sens de quelques-unes, qu’ils tâchent d’appliquer à Jésus. Telles sont : celle de Jacob[1] : Le sceptre ne sera point ôté de Juda, et le chef de sa cuisse, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé vienne ; — celle de Moïse[2] : Le Seigneur votre Dieu vous suscitera un prophète comme moi, de votre nation et d’entre vos frères ; c’est lui que vous écouterez ; — celle d’Isaïe[3] : Voici qu’une vierge concevra et enfantera un fils qui sera nommé Emmanuel ; — celle de Daniel[4] : Soixante et dix semaines ont été abrégées en faveur de votre peuple, etc. Notre objet n’est point d’entrer ici dans ce détail théologique.

Observons seulement qu’il est dit dans les Actes des apôtres[5] qu’en donnant un successeur à Judas, et dans d’autres occasions, ils se proposaient expressément d’accomplir les prophéties ; mais les apôtres même en citaient quelquefois qui ne se trouvent point dans l’écriture des Juifs ; telle est celle-ci alléguée par saint Matthieu[6] : Jésus vint demeurer dans une ville appelée Nazareth, afin que cette prédiction des prophètes fût accomplie : Il sera appelé Nazaréen.

Saint Jude, dans son Épître, cite aussi une prophétie du livre d’Hénoch, qui est apocryphe ; et l’auteur de l’ouvrage imparfait sur saint Matthieu, parlant de l’étoile vue en Orient par les mages, s’exprime en ces termes : On m’a raconté, dit-il, sur le témoignage de je ne sais quelle écriture, qui n’est pas à la vérité authentique, mais qui réjouit la foi bien loin de la détruire, qu’il y a aux bords de l’Océan oriental une nation qui possédait un livre qui porte le nom de Seth, et dans lequel il est parlé de l’étoile qui devait apparaître aux mages, et des présents que les mages devaient offrir au fils de Dieu. Cette nation, instruite par ce livre, choisit douze personnes des plus religieuses d’entre elles, et les chargea du soin d’observer quand l’étoile apparaîtrait. Lorsque quelqu’un d’eux venait à mourir, on lui substituait un de ses fils

  1. Genèse, chapitre xlix, v. 10. (Note de Voltaire.)
  2. Deuter., chapitre xviii, v. 15. (Id.)
  3. Chapitre vii, v. 14. (Id.)
  4. Chap. ix, v. 24. (Note de Voltaire.)
  5. Chapitre i, v. 16 ; et chapitre xiii, v. 47. (Id.)
  6. Chapitre ii, v. 23. (Id.)