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PRÉTENTIONS.

Cette ligature les rendait maîtres du continent ; et les filets de saint Pierre leur donnaient le domaine des mers.

Plusieurs savants théologiens ont cru que ces dieux diminuèrent eux-mêmes quelques articles de leurs prétentions, lorsqu’ils furent vivement attaqués par les titans nommés luthériens, anglicans, calvinistes, etc. Il est très-vrai que plusieurs d’entre eux devinrent plus modestes, que leur cour céleste eut plus de décence ; cependant leurs prétentions se sont renouvelées dans toutes les occasions. Je n’en veux pour preuve que la conduite d’Aldobrandin, Clément VIII, envers le grand Henri IV, quand il fallut lui donner une absolution dont il n’avait que faire, puisqu’il était absous par les évêques de son royaume et qu’il était victorieux. Aldobrandin résista d’abord pendant une année entière, et ne voulut pas reconnaître le duc de Nevers pour ambassadeur de France. À la fin il consentit à ouvrir la porte du royaume des cieux à Henri, aux conditions suivantes :

1° Que Henri demanderait pardon de s’être fait ouvrir la porte par des sous-portiers tels que des évêques, au lieu de s’adresser au grand portier ;

2° Qu’il s’avouerait déchu du trône de France jusqu’à ce qu’Aldobrandin le réhabilitât par la plénitude de sa puissance ;

3° Qu’il se ferait sacrer et couronner une seconde fois, la première étant nulle, puisqu’elle avait été faite sans l’ordre exprès d’Aldobrandin ;

4° Qu’il chasserait tous les protestants de son royaume, ce qui n’était ni honnête ni possible : la chose n’était pas honnête, parce que les protestants avaient prodigué leur sang pour le faire roi de France ; elle n’était pas possible, parce que ces dissidents étaient au nombre de deux millions ;

5° Qu’il ferait au plus vite la guerre au Grand Turc, ce qui n’était ni plus honnête ni plus possible, puisque le Grand Turc l’avait reconnu roi dans le temps que Rome ne le reconnaissait pas, et que Henri n’avait ni troupes, ni argent, ni vaisseaux, pour aller faire la guerre comme un fou à ce Grand Turc son allié ;

6° Qu’il recevrait, couché sur le ventre tout de son long, l’absolution de monsieur le légat, selon la forme ordinaire : c’est-à-dire qu’il serait fustigé par monsieur le légat ;

7° Qu’il rappellerait les jésuites chassés de son royaume par le parlement, pour l’assassinat commis sur sa personne par Jean Chastel leur écolier.

J’omets plusieurs autres petites prétentions. Henri en fit mo-