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POPULATION.


SECTION III.
FRAGMENT SUR LA POPULATION[1].


SECTION IV.
DE LA POPULATION DE L’AMÉRIQUE[2].

La découverte de l’Amérique, cet objet de tant d’avarice, de tant d’ambition, est devenue aussi un objet de la philosophie. Un nombre prodigieux d’écrivains s’est efforcé de prouver que les Américains étaient une colonie de l’ancien monde. Quelques métaphysiciens modestes[3] ont dit que le même pouvoir qui a fait croître l’herbe dans les campagnes de l’Amérique y a pu mettre aussi des hommes : mais ce système nu et simple n’a pas été écouté.

Quand le grand Colombo soupçonna l’existence de ce nouvel univers, on lui soutint que la chose était impossible ; on prit Colombo pour un visionnaire. Quand il en eut fait la découverte, on dit que ce nouveau monde était connu longtemps auparavant.

On a prétendu que Martin Beheim, natif de Nuremberg, était parti de Flandre vers l’an 1460, pour chercher ce monde inconnu[4], et qu’il poussa jusqu’au détroit de Magellan, dont il laissa des cartes incognito ; mais comme Martin Beheim n’avait pas peuplé l’Amérique, et qu’il fallait absolument qu’un des arrière-petits-fils de Noé eût pris cette peine, on chercha dans l’antiquité tout ce qui pouvait avoir rapport à quelque long voyage, et on l’appliqua à la découverte de cette quatrième partie de notre globe. On fit aller les vaisseaux de Salomon au Mexique, et c’est de là qu’on tira l’or d’Ophir pour ce prince, qui était obligé d’en emprunter du roi Hiram. On trouva l’Amérique dans Platon. On en fit honneur aux Carthaginois ; et on cita sur cette anecdote un livre d’Aristote qu’il n’a pas composé.

  1. La section donnée sous ce titre dans les éditions de Kehl et celles qui les ont suivies n’est autre que la xixe des Remarques de l’Essai sur les Mœurs : voyez les Mélanges, année 1763. (B.)
  2. Suite des Mélanges (4e partie), 1756. (B.)
  3. Essai sur les Mœurs, chapitres cxlv et cxlvi. Voyez tome XII, pages 376 et 385 ; et Philosophie de l’histoire, paragraphe viii ; voyez tome XI, page 24.
  4. Christophe Théophile de Murr, de Nuremberg, qui a donné, en 1778, une Histoire de Martin Beheim, et dont la traduction française par Jansen a eu, comme l’original allemand, plusieurs éditions, démontre clairement que Martin Beheim n’a eu aucune part à la découverte de l’Amérique, et encore moins à celle du détroit de Magellan. Voyez aussi tome XII, page 378. (B.)