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POPULATION.

nait pas la même idée que deus divum et hominum sator, la source des dieux et des hommes. Les pontifes romains n’admettaient point ces petits magots dont les bonnes femmes remplissaient leurs cabinets. La religion romaine était au fond très-sérieuse, très-sévère. Les serments étaient inviolables. On ne pouvait commencer la guerre sans que le collége des Féciales l’eût déclarée juste. Une vestale convaincue d’avoir violé son vœu de virginité était condamnée à mort. Tout cela nous annonce un peuple austère plutôt qu’un peuple ridicule.

Je me borne ici à prouver que le sénat ne raisonnait point en imbécile, en adoptant le polythéisme. L’on demande comment ce sénat, dont deux ou trois députés nous ont donné des fers et des lois, pouvait souffrir tant d’extravagances dans le peuple, et autoriser tant de fables chez les pontifes. Il ne serait pas difficile de répondre à cette question. Les sages de tout temps se sont servis des fous. On laisse volontiers au peuple ses lupercales, ses saturnales, pourvu qu’il obéisse ; on ne met point à la broche les poulets sacrés qui ont promis la victoire aux armées. Ne soyons jamais surpris que les gouvernements les plus éclairés aient permis les coutumes, les fables les plus insensées. Ces coutumes, ces fables, existaient avant que le gouvernement se fût formé ; on ne veut point abattre une ville immense et irrégulière pour la rebâtir au cordeau.

Comment se peut-il faire, dit-on, qu’on ait vu d’un côté tant de philosophie, tant de science, et de l’autre tant de fanatisme ? C’est que la science, la philosophie, n’étaient nées qu’un peu avant Cicéron, et que le fanatisme occupait la place depuis des siècles. La politique dit alors à la philosophie et au fanatisme : Vivons tous trois ensemble comme nous pourrons.



POPE[1].



POPULATION[2].
SECTION PREMIÈRE.

Il n’y eut que fort peu de chenilles dans mon canton, l’année passée. Nous les tuâmes presque toutes ; Dieu nous en a donné plus que de feuilles cette année.

  1. Dans l’édition de Kehl, cet article était formé de la seconde partie de la xxiie des Lettres philosophiques (voyez Mélanges, année 1734). (B.)
  2. Dans l’édition originale, 1770-72 (voyez l’Avertissement de Beuchot, tome XVII), l’article Population était dans la huitième partie des Questions sur l’Encyclopédie ; mais les deux sections n’en formaient qu’une seule. La disposition actuelle est de 1774, ainsi que quelques autres différences que j’indiquerai. (B.)

    — Voltaire avait déjà consacré à la Population le xxxviie chapitre des Singularités de la nature (voyez les Mélanges, année 1768).