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ORACLES.

jusqu’à ce que quelque grand trait de lumière leur découvre un coin de vérité, dont la plupart sont très-indignes. Il prouva, dans un livre plein de l’érudition la plus recherchée, que les diables n’avaient jamais rendu aucun oracle, n’avaient opéré aucun prodige, ne s’étaient jamais mêlés de rien, et qu’il n’y avait eu de véritables démons que les fripons qui avaient trompé les hommes. Il ne faut pas que le diable se joue jamais à un savant médecin. Ceux qui connaissent un peu la nature sont fort dangereux pour les faiseurs de prestiges. Je conseille au diable de s’adresser toujours aux facultés de théologie, et jamais aux facultés de médecine.

Van Dale prouva donc par mille monuments que non-seulement les oracles des païens n’avaient été que des tours de prêtres, mais que ces friponneries consacrées dans tout l’univers n’avaient point fini du temps de Jean le baptiseur et de Jésus-Christ, comme on le croyait pieusement. Rien n’était plus vrai, plus palpable, plus démontré que cette vérité annoncée par le médecin Van Dale : et il n’y a pas aujourd’hui un honnête homme qui la révoque en doute.

Le livre de Van Dale n’est peut-être pas bien méthodique ; mais c’est un des plus curieux qu’on ait jamais faits. Car depuis les fourberies grossières du prétendu Hystaspe et des sibylles ; depuis l’histoire apocryphe du voyage de Simon Barjone à Rome, et des compliments que Simon le Magicien lui envoya faire par son chien ; depuis les miracles de saint Grégoire Thaumaturge, et surtout de la lettre que ce saint écrivit au diable, et qui fut portée à son adresse, jusqu’aux miracles des révérends pères jésuites et des révérends pères capucins, rien n’est oublié. L’empire de l’imposture et de la bêtise est dévoilé dans ce livre aux yeux de tous les hommes qui savent lire, mais ils sont en petit nombre.

Il s’en fallait beaucoup que cet empire fût détruit alors en Italie, en France, en Espagne, dans les États autrichiens, et surtout en Pologne, où les jésuites dominaient. Les possessions du diable, les faux miracles, inondaient encore la moitié de l’Europe abrutie. Voici ce que Van Dale raconte d’un oracle singulier qui fut rendu de son temps à Terni, dans les États du pape, vers l’an 1650, et dont la relation fut imprimée à Venise par ordre de la seigneurie.

Un ermite nommé Pasquale, ayant ouï dire que Jacovello, bourgeois de Terni, était fort avare et fort riche, vint faire à Terni ses oraisons dans l’église que fréquentait Jacovello, lia bientôt