Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/635

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
613
ACTE V, SCÈNE X.


Ah ! voici son amant que mon destin m’envoie,
Pour remplir ma vengeance et ma cruelle joie.



Scène X.

OROSMANE, ZAÏRE, NÉRESTAN, CORASMIN, FATIME, esclaves.
orosmane.

Approche, malheureux, qui viens de m’arracher,
De m’ôter pour jamais ce qui me fut si cher ;
Méprisable ennemi, qui fais encor paraître
L’audace d’un héros avec l’âme d’un traître ;
Tu m’imposais ici pour me déshonorer.
Va, le prix en est prêt, tu peux t’y préparer.
Tes maux vont égaler les maux où tu m’exposes,
Et ton ingratitude, et l’horreur que tu causes.
Avez-vous ordonné son supplice ?

corasmin.

Oui, seigneur.

orosmane.

Il commence déjà dans le fond de ton cœur.
Tes yeux cherchent partout, et demandent encore
La perfide qui t’aime, et qui me déshonore.
Regarde, elle est ici.

nérestan.

Que dis-tu ? Quelle erreur ?

orosmane.

Regarde-la, te dis-je.

nérestan.

Ah ! que vois-je ! Ah, ma sœur !
Zaïre !… elle n’est plus ! Ah, monstre ! Ah, jour horrible[1] !

orosmane.

Sa sœur ! Qu’ai-je entendu ? Dieu ! serait-il possible ?

nérestan.

Barbare, il est trop vrai ; viens épuiser mon flanc
Du reste infortuné de cet auguste sang.
Lusignan, ce vieillard, fut son malheureux père ;
Il venait dans mes bras d’achever sa misère,

  1. L’effet théâtral est grand, dit M. Villemain, malgré cette exclamation assez froide : Sa sœur ! qu’ai-je entendu !