Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/626

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
606
ZAÏRE.


Orosmane.

Non, je n’en doute pas.
Allez, rentrez, madame[1].



Scène VII.

OROSMANE, CORASMIN.
Orosmane.

Ami, sa perfidie
Au comble de l’horreur ne s’est pas démentie ;
Tranquille dans le crime, et fausse avec douceur,
Elle a jusques au bout soutenu sa noirceur.
As-tu trouvé l’esclave ? as-tu servi ma rage ?
Connaîtrai-je à la fois son crime et mon outrage ?

Corasmin.

Oui, je viens d’obéir ; mais vous ne pouvez pas
Soupirer désormais pour ses traîtres appas :
Vous la verrez sans doute avec indifférence,
Sans que le repentir succède à la vengeance ;
Sans que l’amour sur vous en repousse les traits.

Orosmane.

Corasmin, je l’adore encor plus que jamais.

Corasmin.

Vous ? ô ciel ! vous ?

Orosmane.

Je vois un rayon d’espérance.
Cet odieux chrétien, l’élève de la France,
Est jeune, impatient, léger, présomptueux ;
Il peut croire aisément ses téméraires vœux :
Son amour indiscret, et plein de confiance,
Aura de ses soupirs hasardé l’insolence !
Un regard de Zaïre aura pu l’aveugler :
Sans doute il est aisé de s’en laisser troubler.
Il croit qu’il est aimé, c’est lui seul qui m’offense ;
Peut-être ils ne sont point tous deux d’intelligence.
Zaïre n’a point vu ce billet criminel,
Et j’en croyais trop tôt mon déplaisir mortel.

  1. Tout cela est imité de Shakespeare.