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ACTE IV, SCÈNE V.


Orosmane.

Donne… Qui la portait ?... Donne.

Mélédor.

Un de ces chrétiens
Dont vos bontés, seigneur, ont brisé les liens :
Au sérail, en secret, il allait s’introduire ;
On l’a mis dans les fers.

Orosmane.

Hélas ! que vais-je lire ?
Laisse-nous… Je frémis.



Scène V.

OROSMANE, CORASMIN.
Corasmin.

Cette lettre, seigneur,
Pourra vous éclaircir, et calmer votre cœur.

Orosmane.

Ah ! lisons : ma main tremble, et mon âme étonnée
Prévoit que ce billet contient ma destinée.
Lisons… « Chère Zaïre, il est temps de nous voir :
Il est vers la mosquée une secrète issue,
Où vous pouvez sans bruit, et sans être aperçue,
Tromper vos surveillants, et remplir notre espoir :
Il faut tout hasarder ; vous connaissez mon zèle :
Je vous attends ; je meurs, si vous n’êtes fidèle. »
Eh bien ! cher Corasmin, que dis-tu ?

Corasmin.

Moi, seigneur ?
Je suis épouvanté de ce comble d’horreur.

Orosmane.

Tu vois comme on me traite.

Corasmin.

Ô trahison horrible !
Seigneur, à cet affront vous êtes insensible ?
Vous, dont le cœur tantôt, sur un simple soupçon,
D’une douleur si vive a reçu le poison ?
Ah ! sans doute, l’horreur d’une action si noire
Vous guérit d’un amour qui blessait votre gloire.