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ZAÏRE.


Digne et charmant objet de ma constante foi,
Venez, ne tardez plus.

Zaïre.

Fatime, soutiens-moi…
Seigneur…

Orosmane.

Ô ciel ! eh quoi !

Zaïre.

Seigneur, cet hyménée
Était un bien suprême à mon âme étonnée.
Je n’ai point recherché le trône et la grandeur.
Qu’un sentiment plus juste occupait tout mon cœur !
Hélas ! j’aurais voulu qu’à vos vertus unie,
Et méprisant pour vous les trônes de l’Asie,
Seule et dans un désert, auprès de mon époux,
J’eusse pu sous mes pieds les fouler avec vous.
Mais… seigneur… ces chrétiens…

Orosmane.

Ces chrétiens… Quoi ! madame,
Qu’auraient donc de commun cette secte et ma flamme !

Zaïre.

Lusignan, ce vieillard accablé de douleurs.
Termine en ces moments sa vie et ses malheurs.

Orosmane.

Eh bien ! quel intérêt si puissant et si tendre
À ce vieillard chrétien votre cœur peut-il prendre ?
Vous n’êtes point chrétienne ; élevée en ces lieux,
Vous suivez dès longtemps la foi de mes aïeux.
Un vieillard qui succombe au poids de ses années
Peut-il troubler ici vos belles destinées ?
Cette aimable pitié, qu’il s’attire de vous,
Doit se perdre avec moi dans des moments si doux.

Zaïre.

Seigneur, si vous m’aimez, si je vous étais chère…

Orosmane.

Si vous l’êtes, ah ! Dieu !

Zaïre.

Souffrez que l’on diffère…
Permettez que ces nœuds, par vos mains assemblés…

Orosmane.

Que dites-vous ? ô ciel ! est-ce vous qui parlez ?
Zaïre !