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ZAÏRE.



Scène III.

ZAÏRE, LUSIGNAN, CHATILLON, NÉRESTAN.
PLUSIEURS ESCLAVES CHRÉTIENS.


Lusignan.

Du séjour du trépas quelle voix me rappelle[1] ?
Suis-je avec des chrétiens ?… Guidez mes pas tremblants.
Mes maux m’ont affaibli plus encor que mes ans.
            (En s’asseyant)
Suis-je libre en effet ?

Zaïre.

Oui, seigneur, oui, vous l’êtes.

Chatillon.

Vous vivez, vous calmez nos douleurs inquiètes.
Tous nos tristes chrétiens…

Lusignan.

Ô jour ! ô douce voix !
Chatillon, c’est donc vous ? c’est vous que je revois !
Martyr, ainsi que moi, de la foi de nos pères,
Le Dieu que nous servons finit-il nos misères ?
En quels lieux sommes-nous ? Aidez mes faibles yeux.

Chatillon.

C’est ici le palais qu’ont bâti vos aïeux ;
Du fils de Noradin c’est le séjour profane.

Zaïre.

Le maître de ces lieux, le puissant Orosmane,
Sait connaître, seigneur, et chérir la vertu.
           (En montrant Nérestan.)
Ce généreux Français, qui vous est inconnu,
Par la gloire amené des rives de la France,
Venait de dix chrétiens payer la délivrance ;
Le soudan, comme lui, gouverné par l’honneur,
Croit, en vous délivrant, égaler son grand cœur.

Lusignan.

<poem>

Des chevaliers français tel est le caractère[2] ;

  1. Cet épisode de Lusignan, que tous les critiques s’accordent à trouver admirable, est de l’invention de Voltaire. (G. A.)
  2. Voltaire dit dans la Henriade (chant III) :

    Des courtisans français tel est le caractère.