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ACTE I, SCÈNE II


J’atteste ici la gloire, et Zaïre, et ma flamme,
De ne choisir que vous pour maîtresse et pour femme,
De vivre votre ami, votre amant, votre époux,
De partager mon cœur entre la guerre et vous.
Ne croyez pas non plus que mon honneur confie
La vertu d’une épouse à ces monstres d’Asie,
Du sérail des soudans gardes injurieux,
Et des plaisirs d’un maître esclaves odieux.
Je sais vous estimer autant que je vous aime,
Et sur votre vertu me fier à vous-même.
Après un tel aveu, vous connaissez mon cœur ;
Vous sentez qu’en vous seule il a mis son bonheur.
Vous comprenez assez quelle amertume affreuse
Corromprait de mes jours la durée odieuse,
Si vous ne receviez les dons que je vous fais
Qu’avec ces sentiments que l’on doit aux bienfaits.
Je vous aime, Zaïre, et j’attends de votre âme
Un amour qui réponde à ma brûlante flamme.
Je l’avouerai, mon cœur ne veut rien qu’ardemment ;
Je me croirais haï d’être aimé faiblement.
De tous mes sentiments tel est le caractère.
Je veux avec excès vous aimer et vous plaire.
Si d’un égal amour votre cœur est épris,
Je viens vous épouser, mais c’est à ce seul prix ;
Et du nœud de l’hymen l’étreinte dangereuse
Me rend infortuné s’il ne vous rend heureuse.

Zaïre.

Vous, seigneur, malheureux ! Ah ! si votre grand cœur
A sur mes sentiments pu fonder son bonheur,
S’il dépend en effet de mes flammes secrètes,
Quel mortel fut jamais plus heureux que vous l’êtes !
Ces noms chers et sacrés, et d’amant, et d’époux,
Ces noms nous sont communs : et j’ai par-dessus vous
Ce plaisir si flatteur à ma tendresse extrême,
De tenir tout, seigneur, du bienfaiteur que j’aime ;
De voir que ses bontés font seules mes destins ;
D’être l’ouvrage heureux de ses augustes mains ;
De révérer, d’aimer un héros que j’admire.
Oui, si parmi les cœurs soumis à votre empire
Vos yeux ont discerné les hommages du mien,
Si votre auguste choix…