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LE COMTE.

Votre mari ? oh ! s’il vous plaît, comment nommez-vous ce pauvre homme-là ?

MADAME DU CAP-VERT.

Monsieur du Cap-Vert, monsieur du Cap-Vert.

LE COMTE, d’un air important.

Eh mais ! oui, madame, je crois qu’oui ; je crois qu’il est ici.

MADAME DU CAP-VERT.

Tu crois qu’oui !… me voilà la femme de la terre habitable la plus heureuse. J’aurai le plaisir de dévisager ce fripon-là. Il est joli ! il y a vingt ans qu’il m’a abandonnée, il y a vingt ans que je le cherche : je le trouve : voilà qui est fait. Où est-il ? qu’on me le montre ! qu’on me le montre !

LE COMTE.

Quoi ! sérieusement, tous seriez un peu madame du Cap-Vert ?

MADAME DU CAP-VERT.

Oui, mon petit fripon ; il y a tantôt cinquante ans.

LE COMTE.

Écoutez : vous arrivez fort mal à propos pour moi, mais encore plus mal à propos pour lui. Il va se marier à la fille du président Bodin.

MADAME DU CAP-VERT.

Lui, épouser une fille du président ! non, mort de ma vie ! je l’en empêcherai bien.

LE COMTE.

Et pourquoi ? j’en ai bien épousé une, moi qui vous parle.

MADAME DU CAP-VERT.

Il y a vingt ans qu’il me joue de ces tours-là, et qu’il va épousant tout le monde. Il me fit mettre dans un couvent après deux ans de mariage, à cause d’un certain régiment de dragons qui vint alors à Bayonne, et qui était extrêmement galant : mais nous avons sauté les murs, nous nous sommes vengé ! ah ! que nous nous sommes vengé, mon petit freluquet !

LE COMTE.

Est-ce donc vous, ma bonne, qui m’avez envoyé…

MADAME DU CAP-VERT.

Moi, je ne t’ai rien envoyé que je sache : je viens chercher mon traître.

LE COMTE.

Ô ciel ! mon destin sera-t-il toujours d’être importuné ! M’amie, il y a ici deux affaires importantes : la première est un rendez--