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Hélas ! jamais ce coeur ne brûla que pour elle ;
J'aimai, je détestai, j'adorai l'infidèle.
Et toi, Sohême, et toi, ne crois pas m'échapper !
Avant le coup mortel dont je dois te frapper,
Va, je te punirai dans un autre toi-même :
Tu verras cet objet qui m'abhorre et qui t'aime,
Cet objet à mon coeur jadis si précieux,
Dans l'horreur des tourments expirant à tes yeux :
Que sur toi, sous mes coups, tout son sang rejaillisse !
Tu l'aimes, il suffit, sa mort est ton supplice.

MAZAEL.

Ménagez, croyez-moi, des moments précieux ;
Et, tandis que Sohême est absent de ces lieux,
Que par lui, loin des murs, sa garde est dispersée,
Saisissez, achevez une vengeance aisée.

SALOME.

Mais au peuple surtout cachez votre douleur.
D'un spectacle funeste épargnez-vous l'horreur ;
Loin de ces tristes lieux, témoins de votre outrage,
Fuyez de tant d'affronts la douloureuse image.

HÉRODE.

Je vois quel est son crime et quel fut son projet.
Je vois pour qui Sohême ainsi vous outrageait,

SALOME.

Laissez mes intérêts ; songez à votre offense.

HÉRODE.

Elle avait jusqu'ici vécu dans l'innocence ;
Je ne lui reprochais que ses emportements,
Cette audace opposée à tous mes sentiments,
Ses mépris pour ma race, et ses altiers murmures.
Du sang asmonéen j'essuyai trop d'injures.
Mais a-t-elle en effet voulu mon déshonneur ?

SALOME.

Écartez cette idée : oubliez-la, seigneur ;
Calmez-vous.

HÉRODE.

Non ; je veux la voir et la confondre :
Je veux l'entendre ici, la forcer à répondre :
Qu'elle tremble en voyant l'appareil du trépas ;
Qu'elle demande grâce, et ne l'obtienne pas.

SALOME.

Quoi ! seigneur, vous voulez vous montrer à sa vue ?